Tu vois, le cinéma de divertissement se divise en deux catégories

De l'originalité (un peu), de l'audace (pas mal) et de l'intelligence (beaucoup), voilà tout ce qui fait de Rogue One un film infiniment supérieur à l'Épisode VII, fiasco total dont je ne me suis toujours pas remis.


Les annonces de reshoot parce que le film avait était jugé trop sombre par Disney m'avaient pourtant bien refroidi au sujet de ce Rogue One et je n'étais pas plus emballé que ça à ma sortie du cinéma, mais plus j'y repense et plus ce film m'apparaît comme une réussite.


Réussite visuelle


Elle est évidente et incontestable. Niveau costumes, décors et ambiance, on est entièrement raccord avec la trilogie IV – V – VI. Abrams avait lui aussi réussi à recréer cet univers usé et sale presque palpable, mais Épisode VII était franchement avare en nouveaux vaisseaux et lieux intéressants.


Avec 5 ou 6 planètes en plus d'autres lieux familiers, Rogue One enrichit considérablement la carte et la palette de la galaxie.


La photographie du film est tout simplement somptueuse et ceci d'entrée de jeu grâce à ces plans hyper contrastés et d'une élégance folle sur Lah'Mu. La suite est tout aussi réjouissante avec ses plans dans l'espace, où le jeu sur l'échelle des éléments à l'écran est saisissant et savamment utilisé. On ressent véritablement la taille écrasante des destroyers, le gigantisme de l'Étoile Noire et la masse imposante des TB-TT.


La destruction de Jeddha m'a fortement rappelé la scène sur la planète marine d'Interstellar, avec ses vagues colossales. Là aussi, une claque visuelle qui fait plaisir à voir au cinéma.


Autre délice graphique marquant du film : la chute au ralenti des Star Destroyers dans le bouclier de Scarif était d'une beauté rare, le tout sublimé par une musique qui s'est faite douce et discrète à ce moment, là où 99% des blockbusters auraient fait du Hans Zimmer « BOOOOOM-TAN-TAN-TAAAAAM-BRRRRIIIIM !!! ».


Quant aux scènes de Vador, elles transpirent purement et simplement la classe au niveau esthétique.


Des personnages nuancés


Là où Star Wars nous a habitué à des personnages plutôt manichéens (hormis Han et Anakin), les protagonistes de Rogue One sont beaucoup plus nuancés et matures dans leur traitement.


Un Cassian sournois, résolu, mais pas insensible, une Jyn Erso plutôt nihiliste à la base qui finit par trouver un sens à sa vie, un pilote impérial qui déserte, une Alliance Rebelle pleine de contradictions internes, l'Empire loin d'être uni avec un Krennic (prestation géniale de Mendelsohn) aux dents longues qui se heurte à l'autorité de Tarkin, un Galen (trop peu développé néanmoins) prêt à passer pour un traître pour aller au bout de ses idéaux, des « gentils » extrémistes (Saw, Chivvut)...


Même si ça reste du Star Wars, nous avons là une relative complexité mature à laquelle seules les stratégies politiciennes de Palpatine dans la prélogie peuvent se rapprocher.


Et ça fait foutrement plaisir ! Ce film ne nous prend pas pour des demeurés, ni pour des enfants de 5 ans, ni pour des newbies à la saga (même si le film reste entièrement compréhensible et appréciable pour les novices, il l'est à ce titre sûrement davantage que pour les inconditionnels, comme je le détaillerai ensuite).


Contrairement à un Épisode VII dont les incohérences et le repompage outrancier étaient légion, Rogue One respecte le fan et l'intelligence du spectateur. G.G. Edwards (ouh, le jeu de mot franco-anglais douteux).


De l'humour juste, juste comme il en faut


À côté du lourdingue Finn, du débile JarJar ou de l'humour un peu cheesy du Han Solo version Épisode VII, K2-SO fait figure de génie comique. Quasiment toutes ses répliques sont bien placées et font mouche. Il se permet même de l'humour noir, le bougre ! Il n'en fallait pas plus pour ce film sombre et dans l'ensemble, c'était très bien dosé.


J'ai même apprécié le petit jeu de mots de Vador à Krennic. Question de goûts, mais j'aime assez l'idée d'un Vador sarcastique.


Des couilles et de l'intelligence


Tout le monde s'est émerveillé, moi le premier, en voyant le travail visuel qu'avait accompli J.J. Abrams pour être dans la continuité du Retour du Jedi. On s'était dit, « C'est bon, il a tout compris !».


Manque de bol, la déception quant à l'apport scénaristique et matériel de l'Épisode VII à la saga a été inversement proportionnelle à cet enthousiasme, en ce qui me concerne.


Prise de risque scénaristique et visuelle : le néant. Une resucée d'Étoile Noire, d'héroïne issue d'une planète désertique, de recherche de plans (oh tiens, encore), de vilain masqué, de s'échapper d'une planète en cherchant un pilote dans une cantina, etc. Ajoutez à cela la situation invraisemblable de la galaxie avec une Premier Ordre surpuissant on ne sait trop comment, une héroïne qui découvre et maîtrise la Force... comme par magie, enfin bref, rien de bien nouveau et ce qui a été refait l'avait été de manière sournoise, plus que maladroite et vraiment pas inspirée. Mais assez parlé du Réveil de la Farce...


Rogue One gagne ses galons là où il fait d'une simple anecdote d'Épisode IV un film tout entier cohérent, avec sa propre identité et faisant parfaitement le lien entre Épisode III et IV (le château de Vador sur Mustafar, Bail Organa, l'évocation d'Obi-Wan), ne reniant pas ainsi la prélogie, quand Abrams la traitait comme quelque chose de sale qu'il fallait oublier.


Un film avec des enjeux propres (même si connus d'avance), son lot de nouveaux personnages crédibles et intelligents, mais qui se paie même le luxe de rendre Épisode IV meilleur et plus cohérent en donnant enfin une explication à la faille dans l'Étoile Noire, qui se trouvait là comme de manière bien « pratique » pour faire gagner les Rebelles.


Rien que pour ça, je dis chapeau !


Les couilles également d'avoir ressorti Tarkin et de lui avoir donné de l'importance. Même si l'effet est perfectible, il est complètement dans la lignée des avancées technologiques dont Star Wars a toujours été un des fers de lance. Ça vieillira sûrement mal, mais aujourd'hui, ça passe et on donne au Tarkin d'Un Nouvel Espoir une vraie épaisseur.


Le courage de faire un vrai nouveau méchant (le film aurait très bien pu se reposer sur Vador pour cela). Krennic est un régal de méchant impérial, superbement interprété, humain et terriblement charismatique (un genre de Christopher Waltz dans Inglorious Bastards, toutes proportions gardées). Comparez ça à Hux, cette mauvaise caricature de nazi, parfaitement ridicule qui s'égosille, fronce les sourcils et gesticule pour montrer que c'est un méchant... On est vraiment dans deux galaxies différentes au niveau du traitement.


Rogue One nous évite aussi l'écueil de la love story sirupeuse et fait plutôt de Jyn et Cassian des frères d'armes intimement liés, certes un peu confus quant à leurs sentiments au moment fatidique, là où une fois de plus, 99% des grosses productions (dont Épisode VII faite évidemment partie) auraient donné dans le ringard qui n'apporte rien au film.


Intelligence enfin dans le pont qui est fait avec Épisode IV et nous amène directement dedans. Les dernières secondes où se met en place le lien vers la poursuite du Tantive IV en ouverture d'Un Nouvel Espoir sont fascinantes. C'est simple, j'avais envie de le regarder tout de suite après.


Frustrant


Il ne manque finalement pas grand chose à ce Rogue One pour être exceptionnel.


Le film a contre lui d'avoir un scénario dont l'issue était connue d'avance si on est puriste de l'univers Star Wars (ma copine qui a vu une fois chacun des épisodes a davantage apprécié le film que moi en partie à cause de cela).


D'un point de vue technique, sa durée aurait mérité d'être rallongée afin d'approfondir certains personnages et s'y attacher davantage. Bien que sombre, le massacre final des protagonistes ne transperce pas vraiment le coeur.


Des regrets aussi quant à la présence réduite de Saw Guerrera et Galen Erso, qui vont comme un gant à Forest Whitaker et Mads Mikkelsen, mais qu'on ne voit que trop peu.


La musique quant à elle n'est pas mémorable, même si elle n'est pas mauvaise pour autant.


Ce qui manque le plus à Rogue One, ce sont finalement les Jedi et la Force, même si on sent bien que le personnage de Chivvut est là pour tenter de remplir cet espace. Frustrant aussi de ne voir un sabre laser que pour quelques secondes (mais quelles secondes !).


En fin de compte, il manque à ce Rogue One d'avoir été choisi pour être un vrai « Épisode » et non « Une histoire de Star Wars ». On se prend ainsi à rêver à ce qu'aurait pu être un Épisode 3.5 avec une base aussi réussie que celle-ci, ou un Épisode VII avec cette originalité, cette épaisseur et ce traitement…

DamienYoccoz
7
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le 23 déc. 2016

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Damien Yoccoz

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