Grosse coincidence : ce film aborde deux questions auxquelles je songeais ces derniers jours.


D'abord, l'humain devait fatalement être rapidement battu par l'ordinateur à un jeu comme les échecs, puisque ceux-ci ne laissent la place qu' à un nombre très grand, MAIS LIMITE, de combinaisons. Les échecs ne sont pas un jeu qui laisse la place au hasard, comme le dit un personnage du film, bien au contraire, ils sont le domaine d'excellence des gens dotés d'une mémoire de machine, capables d'apprendre par coeur des parties classiques, des stratégies, et d'envisager à l'avance un grand nombre de coups et leurs combinaisons - c'est-à-dire de les mémoriser et de comparer leurs répercussions.


Or la vie n'est pas modélisable ainsi. Et ce, malgré le besoin de sens qui taraude homo sapiens. C'est justement ici que s'introduit l'humour noir scandinave, qui peut très bien se mâtiner d'ironie du sort, et qui est une manière de composer avec l'absence de sens de la vie éprouvée par des peuples athées.


Il y a des esprits prosaiques qui ne saisissent pas l'ironie, quand bien même ce serait la seule manière dont on s'adresserait à eux. Il paraît que les autistes ne la comprennent pas. Tiens, si la série Big Bong Theory tombe juste sur certains points, c'est la psychologie de ses personnages, et la série rappelle régulièrement que le plus éminent membre du groupe ne comprend pas le second degré, les sous-entendus, ou le sarcasme. Il paraît aussi que les paranoiaques ne rient pas.
Toujours est-il que le sens de l'ironie fait appel à notre capacité à voir les choses sous un autre angle - d'un autre point de vue. A faire ce que précisément - et la déception de notre attente sur ce
point est l'un des modes de l'humour dans ce film - l'un des personnages rate, raconter une histoire où au fil des aléas de la vie, un malheur devient une chance, qui redevient un manque de bol, qui se renverse - etc. selon les circonstances (l'histoire du mec handicapé après un accident, qui sera grâce à cela exempté de service militaire, mais qui etc.).


Or le besoin irrépressible de sens et la démarche scientifique sont contradictoires. Le "comment" n'est pas le "pourquoi". Et les êtres vivants ne sont pas des objets d'étude. J'entendais Ameisen mentionner dans une rediffusion de son émission que dès les premières heures de sa naissance, un bébé était capable de rendre un sourire. Exploit proprement hallucinant, à tel point que si l'on est convaincu par la théorie de l'évolution, il est extrêmement improbable que cette faculté de communication innée ne soit apparue qu'avec l'humain. Non. La plupart des être vivants sont faits pour communiquer avec leurs congénères, c'est une clé essentielle de leur survie. Ils ont une vie sociale. Des langages. Ils s'adressent des messages en sachant que leur interlocuteur les comprendra. Et cela, sans cette foutue THEORIE DE L'ESPRIT. Reste à savoir s'ils sont pour autant capables d'empathie. En ce qui concerne les insectes, je me permets d'en douter. Certes, ils échangent entre individus, ils se reconnaissent et se transmettent des messages (chouf la direction de la nourriture, soeur abeille), mais souffrent-ils en voyant un congénère souffrir? J'en doute.


J'ignore si cela dépend de "neurones miroir", mais pourquoi pas, puisque cette faculté de reconnaître les émotions des autres est innée. Donc la capacité à s'identifier à eux.
On ne peut donc s'empêcher de déchiffrer des messages qui nous sont adressés. On peut supposer qu'une tendance si prononcée ne s'applique pas exclusivement aux signes adressés par des autres membres de notre espèce. et que pour nous, l'orage "gronde" véritablement, que la pluie nous "fouette" pour de bon, que le froid soit vraiment "mordant". Et l'animisme serait la manière de penser spontanée de l'humain. L'exact opposé du behaviorisme. De la démarche scientifique qui envisage les individus comme des machines.


Or, de même que comprendre l'enchaînement des circonstances ne leur donne pas un sens, le sens ne naît pas du simple déchiffrement d'un message. Je vais emprunter ici un raccourci à défaut d'un développement éventuel, et supposer qu'à la racine du sens sont les émotions (et plus fondamentalement encore le plaisir et la douleur), et qu'en dernière analyse, les choses sont bonnes ou mauvaises pour nous. Et tout se résout à la question de savoir si une chose nous rend plus joyeux ou plus triste (coucou Spinoza), si nous devons aller vers elle ou la fuir. Et à notre capacité innée à (vouloir) déchiffrer des intentions (bonnes ou mauvaises?) dans des messages qui nous sont adressés par des interlocuteurs.



Certains cherchent à déchiffrer le message de dieu, d'autres celui de l'auteur, d'autres les signes de la conspiration plurimillénaire... D'autres croient au père Noel. Happy end (dans la tête du mourant).


ChatonMarmot
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le 10 sept. 2021

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