Un premier film fort porté par des acteurs investis qui pêche par une dramaturgie manquant d'ampleur

On ne pourra pas reprocher à Jessica Palud d’avoir voulu impressionner la galerie par une première œuvre tapageuse et voulant à tout prix impressionner. Au contraire, on lui sait gré d’avoir mis en scène une histoire simple à la fois belle mais dure, une histoire de la vie en somme, d’une manière aussi sobre. C’est ce qui fait sa réussite première. Tout comme le titre d’ailleurs qui, en un verbe, permet de synthétiser tous les enjeux du film. Car « Revenir » c’est avant tout l’histoire du retour d’un jeune homme qui a fui. Un retour dans une famille qu’il a laissé de côté. Un retour sur les terres qui l’ont vu naître. Enfin, un retour aux sources de l’entreprise familiale en déliquescence dans un monde paysan obsolète. Un monde rural décidément très à la mode depuis un an ou deux dans le cinéma français (« Petit paysan », « Au nom de la terre », …). Un contexte qui inspire les cinéastes bien que ce ne soit qu’un arrière-plan ici et non le thème central du film. D’ailleurs, la représentation de cette campagne du Sud de la France est réaliste mais parvient à être solaire malgré la souffrance ambiante.


Ici, on parle surtout de liens familiaux rompus ou à construire. Des liens qu’il faut donc reconstruire ou créer lorsque le décès de la mère semble proche. On reconnaît bien là le patronage de Philippe Lioret (« Je vais bien ne t’en fais pas ») et de son cinéma. Il a écrit le film avec la jeune réalisatrice et cela se sent tant on retrouve les thématiques chères au metteur en scène. Tout sonne juste dans les rapports humains qu’entretiennent les personnages. Le film parle de la vie, banale, et de ses aléas comme la mort, les rancœurs entre un père et son fils ou même les dettes d’une entreprise familiale exsangue. « Revenir » joue beaucoup sur les non-dits et se dévoile petit à petit avec brio. On découvre les secrets de famille par petites touches mais tout est dévoilé avec parcimonie et certaines choses sont même laissées à notre appréciation. C’est ici admirable, car des regards ou des gestes permettent d’en comprendre bien plus que des longues diatribes ou des dialogues trop explicatifs.


Cependant on ne peut s’empêcher de rester un peu sur notre faim. « Revenir » est un peu court et certaines choses auraient gagné à être davantage développées comme le rapport entre la mère et le protagoniste principal. On aurait aimé aussi plus de scènes entre le père et son fils ou la teneur exacte des rapports avec les voisins. Le paradoxe est là dans « Revenir »: on apprécie le côté taiseux, bref et suggestif mais il y a une impression de trop peu. Avec un film d’à peine une heure et quart montre en main, Palud aurait pu en mettre plus. C’est rare à souligner mais c’est le cas ici. Surtout que la fin s’avère un peu abrupte. En revanche, « Revenir » doit avoir la scène de sexe la plus originale de l’année par son contexte. Elle est belle et forte. Quant aux acteurs, dans un jeu pudique et aussi sobre que le film, ils sont impeccables et Niels Schneider les domine dans une prestation toute en sensibilité qui confirme les espoirs portés en lui depuis « Diamant brut ». Même s’il manque d’une dramaturgie plus poussée, ce premier essai mérite le coup d’œil et on attend la suite avec impatience.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 15 nov. 2019

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Rémy Fiers

Écrit par

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6

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