La vie est belle - C'est Clair. Puis tu te réveilles...

J'ai récemment aimé sur arte son tout premier film Paris qui dort (1925), en ayant oublié que cette science-fiction était de lui. Sa scène de descente d' escaliers en colimaçon, avec la caméra qui semble descendre aussi et suivre de l'extérieur les personnages,

m'a fait penser à celle que j'avais tant aimée dans Adieu les cons (2020) sans alors savoir qu'Albert Dupontel rendait peut-être un hommage au film de René Clair (qui a "retravaillé le montage de son premier film jusqu'à très tard dans sa vie").

Ce film de 1925 où une bande de Français est épargnée d'une épidémie de sommeil subite et lourde à Paris, mais s'amusent alors seuls sur la Tour, me fait penser aux futurs films à la 'Je suis une légende' (1954-2007).

*********************************************************************************************

Résumé SC:

_"Né en 1898, René Clair a été un témoin et un protagoniste de la naissance du cinéma. Tour à tour journaliste, acteur, scénariste, il réalise son premier film en 1924, très marqué par le dada, une influence qui ne le quittera plus. Au début des années 30, il tourne quelques classiques, comme "Sous les toits de Paris", avant de s'exiler en Angleterre puis aux Etats-Unis, où il réalise quatre films. De retour en France, il poursuit deux carrières de front : la réalisation et l'écriture. En 1960, il est élu à l'Académie française. "Les Fêtes galantes", en 1965, est son dernier film. Ce documentaire retrace la carrière de ce cinéaste à la fois classique et fantaisiste, qui vit venir d'un oeil critique la Nouvelle Vague" (résumé SC)

*********************************************************************************************

Le doc de Virginie Apiou est bourré d'infos (c'est sans doute elle qu'on entend en passionnante voix off?); infos dans le doc plutôt chronologiques, dont je ne retiens pour l'instant qu'une mini partie dans sa masse (donc il vaut mieux bien sûr le voir que me lire):

• si son premier film réalisé est 'Paris qui dort (1925)', son premier film qui sort en premier sur les écrans a été 'Entr'acte' (1924), énorme succès ("film de montage, cadavre exquis disparate, dadaïste"...ce que j'oserai peut-être répondre aux reproches que des visiteurs me font sur mes textes/listes^^).
• c'est le peintre, dessinateur et écrivain "Francis Picabia" qui a eu l'idée qui a fait naître le film et le rythme effréné de sa fin...l'image du "chameau tirant un corbillard".
• Paris qui dort (1925) a "vraiment" été tourné sur la Tour Eiffel; "acrobaties" comprises.
• René Clair, au contraire de beaucoup , a "fêté ses 18 ans à la guerre"; a vu beaucoup d'amis "mourir devant lui": d'où peut-être son désir d'amusement et de "s'échapper de la réalité" ensuite.
• ...même s'il a "vécu chez ses parents jusqu'à 33 ans" (peur de les perdre?; volonté d'en profiter car il avait connu la mort de très près?)
• a consommé "de l'opium" et de nombreux "chagrins d'amour"
• il commence comme assistant d'un "Jacques de Baroncelli" (que je découvre gardois)...puis un "accident" le propulse soudain réalisateur quand il doit prendre les manettes...ce qui me rappelle une des belles scènes d'un film de Bertrand Tavernier où j'ai pleuré lors d'une scène similaire: dans 'Laissez passer', c'est aussi par la maladie de l'autre que l'assistant Jean Devaivre/Jacques Gamblin devient soudain le jongleur en chef; il en est bouleversé.
• j'aime quand René Clair raconte comment il a convaincu Maurice Chevalier de jouer

"un homme de son âge" ("un tel changement dans le genre de rôles que j'interprète habituellement" que Maurice Chevalier refusera de voir les rushs par crainte de faire part de sa déception ou de changer d'avis)

• Un homme de son âge: c'est tellement moderne et classe comme proposition. Pour un film de 1947. Et pour un réalisateur alors quinqua, honnête sur l'homme âgé amoureux. Surtout que j'avais vu et aimé le film dont il parle: c'est 'Le silence est d'or', où un vieux-beau mais gentil, donne des conseils à François Périer, jusqu'à ce que le jeune padawan puceau cible la jeunette que le Jedi de la drague visait lui-même, dont la gentillesse hésite soudain...et René Clair a dû bien souligner à Maurice Chevalier que cette fois, pour une fois, il ne gagnerait pas la joute romantique...(même s'il le fait plutôt volontairement). Chevalier a demandé à réfléchir puis a accepté: un de ses meilleurs rôles et films; je regrette totalement que mon Alain Delon n'a pas accepté ce genre de rôle.
• ...j'avais aimé le film car il était un bel hommage aussi à un papa et à une figure de mentor indulgent et bon: or le doc m'apprend que

René Clair a "perdu ses deux parents pendant le tournage"...alors qu'ils avaient survécu à la guerre, quasi attendant le retour de leur fils..."le personnage de Maurice Chevalier devait aspirer à être le meilleur copain, le meilleur amant...se transforme alors en père beaucoup plus nostalgique..."

• ...le doc en émet aussi l'hypothèse de scènes ajoutées "pendant le tournage", dont celle où Chevalier s'observe "les rides dans le miroir".
• lors du tournage de 'La beauté du diable' (1950), Michel Simon (diablotin de second rang) aurait justement été diabolique "à gérer".
• il fera films avec Gérard Philippe et le met en scène au théâtre
• en 1967, il participe à une émission télé réalisée par une Antonia Calvin, sur justement "Eugène Labiche ou un ami toujours jeune" où René Clair est en désaccord avec un jeune Patrice Chéreau sur la fin d'une pièce (mais je n'ai pas trop compris cette partie):

Présentateur: "Patrice Chéreau, vous êtes l'animateur du théâtre de Sartouville et avez 22 ans" ...Chéreau: "...pour moi Labiche est allé assez loin dans la virulence de la description des comportement et à un certain moment, il s'est arrêté" Présentateur: "...donc pour vous, il faut que ce soit un cauchemar quand on se réveille pas" ...Chéreau: "...c'est ce qu'on montrait (dans la mise en scène)...René Clair: "C'est plutôt un point de vue contemporain; car jamais Labiche n'a voulu terminer une pièce comme ça...il répondait à ceux qui lui disaient 'mais quand même vous dépeignez des choses assez affreuses', ...

Labiche répondait..."oui, mais que voulez vous?! ...je vois GAI"

• au contraire de la mentalité 'Whiplash' à la mode, et des tournages entre autres de Clouzot ou Kechiche ·(si j'ai bien compris), j'aime quand René Clair raconte que l'atmosphère détendue et amicale sur un tournage sont clé pour lui...ça me rappelle Yves Robert "et son cinéma entre copains"...
• ...même s'il y a beaucoup de travail, Clair aime aussi les copains et la bonne atmosphère. Mais dans le travail dur et ambitieux, comme par exemple, mettre une caméra sur un échafaudage dont la pente et les rails rappellent le chariot dans la scène des mines d'Indiana_Jones...afin d'obtenir un plan-séquence traveling descendant sur les boutiquiers, habitants et différents métiers se réunissant au début de Sous les toits de Paris (1930).
• j'aime quand René Clair rend hommage à un film que j'ai aussi aimé:

"Il n'y avait pas eu de films de ce genre là...c'est à dire sur le vie populaire parisienne, sauf quelques films de Feyder, comme 'Crainquebille' par exemple" (1922)

(Ces infos viennent surtout de deux interviewés, dont les noms n'apparaissent qu'une fois, "Noël Herpe", que je découvre sur SC expert aussi en Rohmer; Et d'un Jean- Ollé Laprune.)

• Ma citation préférée du doc vient de la réalisatrice Virginie Apiou (c'est sans doute aussi un hommage à mon amour des films et pourquoi je m'en gave):

"L'oeuvre de René Clair est une oeuvre du rêve, peuplée de personnages endormis...la sieste, le sommeil, permettent aux héros clairiens d'échapper à toute réalité, tels des spectateurs dans une séance de cinéma, ils vivent autrement leur vie. " (Virginie Apiou)