... mais toi aussi tu as ta part de responsabilité dans notre ennui et/ou dans notre incompréhension Guy.


J'étais à priori plus intéressé par la dialectique que Guy Debord avait avancée pour réfuter les jugements autour de sa "société du spectacle" que du film en lui-même qui avait l'air d'enfoncer de sacrés portes ouvertes et il s'avère que c'est ici bien le cas. Et oui, j'entre donc en plein dans ce qu'il dénonce, à savoir l'appétence pour le spectaculaire et le clash. Mais le spectaculaire raffinné des mots et de la dialectique quand cette dernière est bien dosée et quand celle-ci a trouvé son juste milieu entre l'accessibilité et l'élitisme du propos.


Je suis partagé entre son constat d'urgence (extrêmement lucide et évident à la fois), sur cette aliénation du peuple par le divertissement et par exemple sur ce qu'il appelle les "ennemis du prolétariat" et les contre-arguments qu'il invoque pour descendre les critiques.


En gros Debord nous dit que si la société s'opposait à sa théorie anti-spectacle c'est parce qu'il etait le seul à vraiment s'opposer à la société. En ce sens il est certainement dans le vrai. Pour illustrer tout ça j'ai retenu cette phrase " la société du spectacle a conditionné le peuple à la fatigue mentale" pour brider et orienter son esprit critique. Elle "fabrique les raisonnements".


Et il est vrai que sa thèse est sans doute un peu plus profonde et élaborée que le simple fait de dénoncer l'abrutissement généralisé par le spectacle et l'accumulation de marchandises interchangeables prônée par le grand Capital. Quoique... ça c'est si tu t'intéresses à l'ensemble de son oeuvre et à ses diverses thèses...


Par contre dire des critiques qu'ils ne comprennent pas que la dissolution du système ne relève pas de la simple opinion c'est clairement prendre les gens pour plus cons qu'ils ne le sont. Personnellement j'ai même envie de rétorquer que c'est plus à nous de lui rapeller ça après avoir entendu ce qu'il avait à nous répondre.


D'autre part ce qui me dérange avec son argumentaire c'est qu'il parle toujours "des autres" comme si lui était à l'abris du conditionnement, qu'il soit médiatique, publicitaire, télévisuel, politique et autre... Il dit même "leur Monde" alors qu'il vit dans le même que nous. Et même si c'est à prendre au sens figuré ça ne fonctionne pas car ce mec n'est évidemment pas complètement à l'abris de tout ce qu'il pointe du doigt chez "les autres".


Ce qu'on peut clairement lui reprocher par ailleurs c'est que, quand bien même une situation et un contexte radical n'incite pas à un regard sociétal modéré et nuancé de prime abord, ce n'est pas pour autant qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain et ne pas considérer l'entièreté des critiques sur son oeuvre. Sinon à quoi bon partager ta réflexion si tu sais qu'elle ne changera rien et si c'est pour ne pas écouter ce qu'on en dit avec un minimum de discernement ? D'ailleurs même cette société de consommation et du spectacle il l'épingle sans aucune mesure ni retenue.


Il conclut donc en disant que la réaction des critiques traduisait "la société qu'ils ne savent pas combattre (j'aurais dit "ne veulent pas" perso) et le cinéma qu'ils ne savent pas faire" or, c'est exactement ce que je dirais de son travail sur la société du spectacle. Guy Debord ne sait pas combattre la société qu'il déplore donc il l'essentialise dans un fatalisme de l'asservissement sans admettre notre possibilité de lutter contre et sans même imaginer l'éventualité que nous avons la possibilité de la minimiser au moins un minimum via ce qu'on appelle le libre arbitre, la curiosité, la conscience, la culture et l'esprit critique que l'on a tous à des degrés différents. Et Guy Debord ne fait pas le cinéma qu'il sous-entend faire, il se pense original et précurseur de la théorie de l'anti-spectacle par le simple fait qu'il est le premier à mettre les pieds dans le plat dans le 7ème Art avec ce propos, mais ce n'est pas ce qui fait la valeur première d'un cinéma même subversif, car l'intention est peut être louable, si l'exécution est aussi manichéenne cela ne nous apprendra rien de nouveau. Il dit que "la société du spectacle est une misère bien plus qu'une manipulation" alors que sa thèse est le conditionnement par l'uniformisation et la formatation de tout ce qu'on consomme... A ne consommer que du formaté on le devient soi-même...


Or, on pourrait se dire que cette misère est justement la résultante de la manipulation orchestrée par le Capitalisme...


Peut être est-ce moi qui n'ai pas encore cerné toutes les subtilités ? C'est probable...


Son oeuvre ne tente à ne cerner ni à ne questionner aucune ambiguïté comme s'il pensait détenir une vision des choses exhaustive et purement objective de la situation. S'il estime qu'on ne peut pas du tout se prémunir de la problématique car insoluble j'aurais aimé qu'il aborde ce point. Or, il utilise pourtant constamment des mots tels que "vous", "le votre", comme si lui etait exempté de tout ca... Bref, il y a un truc qui ne colle pas. Il n'explicite pas assez sa thèse situationniste pour moi.


A boire et à manger donc.

MrShepard
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le 13 juil. 2021

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