Sur le plan culturel, la Scandinavie est devenue une vraie terre propice aux thrillers policiers et autres drames familiaux. La faute à ses auteurs du Nord à l’origine de sagas littéraires sombres, glaciales et fascinantes dont les plus fidèles représentants sont Stieg Larsson (Millénium), Camilla Läckberg (La Princesse des Glaces) ou Henning Mankel (Kurt Wallander). Très centré autour du polar, les adaptations de ces ouvrages ont définitivement donné à la Scandinavie l’image d’une région européenne avec ses maux, ses failles et ses sombres recoins de son Histoire. Mais cette approche mystérieuse et glaciale de la société scandinave n’empêche pas le film de Hans Petter Moland d’être une œuvre bourrée d’humour noir et d’ironie. Un vrai polar second degré qui a été présenté dans de très nombreux festivals dans le monde. Nominé à Berlin, Seattle, Toulouse et présenté à Strasbourg, Refroidis est reparti avec le Prix du Film International au Festival Fantasia de Montréal mais a surtout remporté le Grand Prix du Festival du Film Policier de Beaune. Rien de moins que le must de l’événement polar en France.

Refroidis est un film de vengeance à l’ambiance glaciale qui trouve son efficacité dans un subtil dosage d’humour noir et de cynisme. Tout droit venu de Norvège, le nouveau film de Hans Petter Moland aborde le genre « vigilante movie » avec dérision mais sans toutefois oublier de sa vue le caractère déterminé de son personnage. Septième long métrage de Hans Petter Moland, ce dernier est un réalisateur norvégien confirmé depuis plus de vingt ans, ne trouvant qu’une certaine notoriété avec les films Zero Kelvin (1995) et Un Chic Type (2010), tous deux déjà avec Stellan Skarsgård. Tout l’intérêt de l’intrigue de Refroidis repose dans ce long jeu de massacre sur les terres hivernales d’une Norvège plus blanche que jamais. Le réalisateur apportant un soin tout particulier à l’image pour représenter à l’écran l’entendue des vastes paysages nordiques enneigés. Chaque plan se déroulant dans une ambiance plus que glaciale où cette couche de blanc risque à tout moment d’être tâchée par la mort d’un personnage.

Le vigilante movie est abordé non sans dérision, par le biais d’un père meurtri par la mort de son fils qui trouve la force de se venger quelques instants avant de lamentablement se suicider dans un morne garage. Moland effectue un travail réjouissant en réalisant une sorte de parodie cynique de l’Inspecteur Harry où le metteur en scène aligne les gangsters aux surnoms ridicules, pour certains tirés de Top Gun. Film de dialogues et de personnages, le réalisateur représente à l’écran des individus assez perchés qui trouvent une vraie manière d’exister par le ridicule des situations qui ne fait que s’entasser. Macabre, tordue et givré, Refroidis enchaîne des séquences toutes plus mémorables où chaque mort est un véritable moment tragico-comique, marqué par une croix religieuse à l’écran. Simples d’esprits, imprévisibles ou justes déterminés, qu’il soit un premier ou un second rôle, chaque personnage apporte quelque chose à l’intrigue, rendant l’écriture des personnages extrêmement justes. En ce sens, Refroidis se rapproche esthétiquement et sensiblement de Fargo, la touche scandinave en plus.

Car Hans Petter Moland profite de son film pour délivrer un message sur son pays natal. Satirique sur la mentalité éco-environnementale et sociale de son pays, le propos se fait plus brut lorsque le réalisateur évoque ces nations étrangères qui arrivent dans un pays dont ils ne connaissent pas grand-chose et duquel il souhaite prendre le pouvoir. Pouvoir malfrat dira-t-on avec ces trafics de drogue et d’humains. Un discours qui ne peut que finir dans l’affrontement entre norvégien et serbe. A la tête de ces deux clans se trouvent chez les norvégiens Pal Sverre Hagen dit « Le Comte » (qui a pensé au Duc de chez les Coen ?) imprévisible et sans arrêt dans l’excès, et Bruno Ganz en serbe vieillissant mais pas dénué de cruauté. Stupidité des hommes désirant sans cesse le pouvoir et le plaisir de dominer. A contrecœur, on reprochera au film de ne jamais surmonter ce décompte mortel qui attend tous ceux qui se mettront en travers du chemin de ce père déterminé. Sans suspense, ni rebondissements, Refroidis se perd dans un étirement de son récit dispensable. A trop vouloir magnifier les codes d’une sorte de western polaire, Hans Petter Moland s’embourbe dans cette fameuse neige norvégienne. Conséquence direct d’un humour qui tombe parfois à plat et d’un rythme qui faiblit à de nombreuses reprises avant de jouir dans un final intense où l’issue est aussi sanglante que jubilatoire.

Porté par une galerie d’acteurs qui semble jouir d’interpréter de tels personnages et dans laquelle on peut trouver un Stellan Skarsgård aussi déterminé qu’en roue libre, Refroidis est un thriller froid à l’humour macabre comme on les aime. Un Fargo du Nord qui s’amuse avec différents genres. Contemplatif et stylisée, Refroidis nous offre par la même occasion un jeu de massacre complètement givré. Une farce scandinave maîtrisée avec sang-froid par les mains de maître de Hans Petter Moland.
Softon
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le 22 sept. 2014

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Kévin List

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