Rampant pose une belle interrogation sur notre façon de considérer les long-métrages sud-coréens : cette mode toute récente de s'intéresser au 7ème art du pays du Matin calme laisse à penser qu'une grande partie du public surestime un cinéma certes rafraîchissant mais forcément imparfait. Il semblerait qu'un film coréen n'ait besoin que de sa nationalité et d'un principe de base un minimum intéressant pour que les spectateurs passent outre ses grands problèmes, et considèrent ce qu'ils viennent de voir comme, au minimum, un bon film.


Ce qui est étranger étant forcément plus tentant que ce qu'on sait appartenir à notre culture, celui-ci se targue d'une idée venue d'une série (Kingdom) pour mêler les joies du film d'arts martiaux à ceux des zombies américains. Façon Romero? Non, à la manière du sympathique mais bien lisse World War Z, qui avait au moins le mérite de ne pas tenter de se faire passer pour ce qu'il n'est pas. Parce que Rampant, de ses interminables deux heures de durée, s'évertue à multiplier les chorégraphies mollassonnes et les complots politiques attendus, sans pour autant jamais parvenir à donner à ses évènements de quelconque intérêt narratif (qu'il soit visuel ou scénaristique).


Quelques combats s'élèvent certes du lot, à l'image de ce climax interminable pourri par ses flammes en CGI, mais suffisamment généreux en voltige pour faire penser aux grandes heures de l'art de Tsui Hark (le talent en moins, soyez en sûr), sans pour autant qu'ils ne rattrapent la lenteur de l'entreprise et le manque d'audace visuelle de sa mise en scène.


Plate, fade et sans relief, elle se contente de virer dans la Shaky Cam ou les plans rapprochés pour imager ses affrontements majoritairement prévisibles et peu spectaculaires, sans parvenir à leur donner de quelconque personnalité épique ou spectaculaire. Et si certains affrontements se révèlent imposants, c'est bien moins du fait du travail de Kim Sung-Hoon que de la multiplication à l'écran de figurants (guerriers, villageois, héros et zombies).


Fort d'une certaine démesure attendue, Rampant ne parvient pas à la concrétiser par ses chorégraphies et ses angles de caméra, bien trop modestes et peu imaginatifs pour un concept à ce point prometteur et propice à la liberté de mouvement : là où l'équipe pouvait se donner à cœur joie en repoussant les limites de la gravité et des attentes du public (on parle quand même d'un film d'arts martiaux avec des zombies), elle se contente de situations communes, banales ou au pire bâclées dont on prédira, pour la plupart d'entre elles, la conclusion sans étonnement.


Réalisé comme un banal film historique dont le but est de pomper ce qui marche du côté des américains (les zombies de Marc Forster et les complots de Game of Thrones en version Eco +), cette petite nouveauté coréenne se vautre particulièrement dans la caractérisation de ses personnages, notamment de ce personnage principal absolument insupportable et sans autre point d'approfondissement que le fait qu'il est beau gosse et profondément idiot.


Comme si Fred de Scooby Doo avait été lâché dans la matrice avec des talents de kung-fu pour casser la gueule à des zombies asiatiques.


A l'image de tout ce qui ne va pas dans le film, ce personnage principal révèle l'imposture des dialogues, bourrins et ridicules (encore plus stéréotypés que la plupart des dialogues stéréotypés de films d'action américain), la bêtise du scénario (bourré d'incohérences et de non sens), le manque d'ambition et d'originalité de ses enjeux politiques qui, couplés à l'absence de développement des personnages (les seuls points abordés sont des caractéristiques de personnalité que l'on retrouve dans la plupart des films d'arts martiaux ou de zombies), met en exergue le fait que rien dans ce film ne peut trouver de relief, puisque tout est bâclé, fait sans ambition ni talent, et qu'il ressemble à n'importe quelle daube portée sur le gore et l'action, un reste d'esthétique coréenne en supplément.


Mais cette dernière ne fait pas passer la douleur de la pilule qui, restée coincée dans la gorge, prouve une nouvelle fois que reproduire le schéma des films américains dans une œuvre coréenne ne peut rien apporter d'autre que la déception d'un cinéma en proie, depuis quelques années, à l'aseptisation du divertissement de studio grand public de chez l'Oncle Sam. Pour contaminer le plus de monde, il faut parfois perdre son âme; seulement, tous les films de zombies vous le confirmeront, quand les sans-âmes veulent contaminer des innocents, ces derniers leur explosent la cervelle sans coup de semonce.

FloBerne

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