Dernier sang, premier sang : même combat

Il est rare que je fasse une critique sur les films que je vois en salles, je préfère toujours prendre un peu plus de recul, mais là c'est spécial, je suis un fan de Stallone depuis le premier Rocky, j'ai vu tous ses films et j'en ai défendu certains contre les empêcheurs de plaisir car ils ne visent généralement que le divertissement basique et rien d'autre. De plus, j'ai fait les critiques des opus précédents, il n'y avait donc pas de raison que je ne chronique pas ce Last Blood. Je suis conscient que je suis sans doute trop subjectif concernant ce film, mais je n'y peux rien, j'aime cette saga Rambo et ce personnage, ce n'est pas un plaisir coupable, je revendique et j'assume.
A la fin de John Rambo, on pensait que la bête de guerre allait connaitre l'apaisement et la sérénité, on voyait Rambo marcher sur un chemin de terre vers un ranch familial qu'il avait quitté depuis longtemps, faisant écho au premier Rambo où il marchait sur un chemin en essayant de retrouver un compagnon d'arme qui avait fini par succomber de son retour du Vietnam. C'était une belle manière de boucler la boucle d'une saga entamée en 1982, aussi j'appréhendais un nouvel opus, pour moi Sly avait tout dit sur ce personnage, il avait droit au repos, je me disais que ça pourrait être le Rambo de trop, mais en même temps, j'étais heureux de retrouver John J. Rambo...
Heureusement, j'avais tort, ce Last Blood vient refermer une appréhension légitime. Oh je vois d'ici les détracteurs, ceux qui se moquent de ce mythe cinématographique, je les laisse à leur rancoeur, moi j'ai pris beaucoup de plaisir à ce film, tout en étant conscient que le mythe a été un peu éborgné par Stallone lui-même car après le premier film qui posait un vétéran du Vietnam traumatisé et dont on oublie parfois la portée, il en a fait dans le second volet co-écrit avec James Cameron, une machine de guerre impitoyable en laissant un peu de côté les traumatismes psychologiques, pour privilégier le spectaculaire et l'action. Alors ce nouvel opus va déguster de la part des anti-Rambo qui prennent le film pour une mascarade stallonienne de plus, je les laisse ruminer leurs arguments fallacieux.
Tout comme ceux qui disent que ce film n'apporte rien de nouveau sur le personnage, se méprennent, ils ne voient sans doute que le côté bourrin d'un personnage qui a passé sa vie à tuer. Au contraire, je trouve qu'il y a un apport, certes léger mais bien réel : on le voit dans son ranch à s'occuper de chevaux, il a une ancienne domestique de son père et sa petite fille sur lesquelles il a reporté une affection, sentiment qu'il n'avait pas connu, on le sent usé même s'il en a encore sous le capot, ce vieux Rambo ridé a acquis une sorte de tranquilité, même si intérieurement il couve encore son traumatisme, le passé le hante, il avale des cachets pour oublier, il a vu trop de morts, et on comprend qu'il ne connaîtra jamais la paix. La scène d'ouverture avec le sauvetage en pleine tempête, le montre aussi enclin à aider les flics locaux.
Après les rizières et l'antipathie d'une Amérique qui n'accepte pas la défaite, Rambo découvre une autre guerre, plus sauvage, plus haineuse, plus sale et plus hideuse, celle qu'il mène contre un cartel mexicain de prostitution qui a enlevé la fille qu'il a élevé comme sa propre fille, il a donc la même réaction que dans Rambo 3, il veut délivrer la jeune fille comme il avait délivré son colonel des mains ennemies en Afghanistan. Dès lors, il remet en marche la formidable machine de guerre, l'instinct primitif qui est en lui. John Rambo affiche cette image du héros régressif de façon aussi violente que dans John Rambo, sauf que là, il n'est plus en Asie, mais chez lui, en Arizona, sur son terrain.
Il est amusant de constater que tout le film est une réminiscence des films précédents : les pièges de ses tunnels rappellent ceux que Rambo utilise en chopant les flics bouseux du premier opus ou les Russes du second opus, l'opération de sauvetage rappelle celle de Trautman dans le troisième opus, la sauvagerie des éliminations rappelle la bestialité du quatrième opus. Ici, le carnage est justifié, ces salopards ont mérité leur mort, en venant faire chier Rambo, ces mecs là ne savent pas où ils ont mis les pieds, Rambo va mener sa vengeance d'une façon aussi violente et aussi impitoyable que dans l'opus 4, cette violence est viscérale et brutale, et il verse ce dernier sang qui vient faire écho au premier.
Malgré cet aspect, le film ne joue pas ouvertement la carte du spectacle bourrin, toute la première partie s'intéresse à l'approche de Rambo sur le terrain du cartel au Mexique, il renifle, évalue leurs forces, calcule un plan, sent l'air d'une nouvelle mission. Au début, il y a même comme une sorte de sérénité qui flotte, Stallone a envie de montrer le personnage de Rambo avec une facette plus humaine, il est poignant et profond. Ce n'est que dans la dernière partie lorsque les mecs débarquent dans le ranch qu'explosent la sauvagerie violente et sa rage profonde, ceux qu'il aimait sont morts, il n'a plus rien à perdre, le carnage est sanglant, féroce, revanchard et sans pitié, mais le décor a changé. Rambo morfle un peu, le héros surhumain laisse la place au vétéran solitaire de 73 ans.
La conclusion semble donc définitive, enfin j'espère car la fin ouverte peut laisser penser un sixième opus, personnellement je préfère pas, ça serait le Rambo de trop ; je ressors donc satisfait, c'est un pur revenge movie, brutal et féroce où l'ancien béret vert fait ressortir la bête sauvage qu'il était, il ne faut pas chercher plus loin, et prendre ce film comme il est, un divertissement qui ne magnifie pas la saga, mais qui ne la dépare pas non plus, car pour moi, seul le premier volet a une vraie consistance psychologique. Les autres sont là pour nous apporter notre dose d'adrénaline, et là on est servi !
Dernier détail : j'ai bien aimé le générique de fin qui fait défiler des images des films précédents, ça permet de montrer l'évolution de Rambo au fil des années tout en rendant hommage à la saga.

Ugly
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le 28 sept. 2019

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