Cette critique révèle des éléments de l'intrigue


David Morrell, auteur du livre First Blood et créateur du personnage de Rambo, tweete le 20 septembre :



The film is a mess. Embarrassed to have my name associated with it.
(Litt : Le film est bordélique. Embarrassé d'y voir mon nom associé à ça.)



Si l'écrivain avait donné naissance à une oeuvre anti-militariste et critique du système américain dans les années 1970, on est en droit de se demander ce qu'il reste du message porté dans le premier Rambo. Morrell y décrivait un héro de la guerre du Viet-Nâm hanté par ses cauchemars et rejeté par la société qui avait elle-même crée le monstre. Le personnage de Rambo n'est pas pacifiste, c'est l'oeuvre globale qui l'était. Tel un Johnny Got His Gun (réal. Dalton Trumbo / 1971), le premier Rambo avait pour vocation de montrer au monde les conséquences de la guerre sur un soldat ordinaire. D'un côte nous avions le mutilé qui ne demandait qu'à mourir, de l'autre le survivant et sa culpabilité.


La saga Rambo a, à partir du deuxième film, complètement changé de direction et emboîtant le pas du patriotisme et de l'actioner plutôt basique des années Reagan. Rambo avait cependant toujours les mêmes idéaux, cette même bonté qui faisaient de lui un personnage attachant malgré un body-count assez élevé. Rambo a détesté la guerre qu'on lui a forcé de faire car une fois sur le terrain il s'est rendu compte de l'ampleur de la catastrophe et questionnait la bien-fondé de cette guerre. Dans les trois films qui ont suivi Rambo choisit ses guerres. Il va là où l'Amérique a, soit laissé tombé, soit s'y désintéresse complètement (cf. Birmanie). Rambo est donc un justicier à sa manière, sanguinaire, violent et perturbé, mais toujours selon lui du bon côté, pour protéger l'opprimé. En fin de compte, il est un pur produit de l'Armée américaine. Détruire le Vietnamien au nom de la justice et de la démocratie.


Alors qu'est ce qui cloche dans cette suite tant décriée quelques jours à peine après sa sortie ? D. Morrell et S. Stallone disent que leurs Rambo préférés sont le premier et le quatrième, tous deux ayant capturé l'âme du roman et où le personnage de John Rambo est le plus profond. Ce cinquième opus change radicalement dans la perspective que l'on se fait d'un Rambo. Pour la première fois depuis le premier volet, Rambo est sur le territoire américain après son retour de Birmanie en 2008. De retour dans la maison familiale, endroit qu'il avait décidé d'oublier ayant préféré vivre en Asie. Car Rambo n'est nul part chez lui depuis son retour du front, l'idéal américain n'existe plus, ce pays l'ayant de plus rejeté en tant que « tueur d'enfants », et après des années à l'étranger, il n'éprouve plus aucun sentiment d'appartenance. Il pensait avoir trouvé la paix dans la maison de son enfance, avec un ranch et une « famille » composée d'une grand mère mexicaine et sa petite-fille. Mais très vite on se rend compte que John passe le plus clair de son temps dans les tunnels qu'il a crée sous le domaine, à forger des armes et à écouter la musique de son temps. Tel un survivaliste, il vit dans la crainte constante d'une attaque et souhaite coûte que coûte sauver ceux à qui il tient.


Le film s'ouvre sur une spectaculaire tempête où le « volontaire » Rambo essaie de sauver un trio de randonneurs perdu. Ne parvenant à n'en sauver qu'une, Rambo exprime sa culpabilité de ne pas avoir pu les sauver tous, et ce syndrome du sauveur est révélateur d'un autre aspect de la vie de Rambo qui est celui de n'avoir pas pu sauver ses amis bérets verts. A ce syndrome du sauveur s'ajoute celui du survivant. En effet Rambo aurait dû mourir au Vietnam et voir tout ceux qu'il aime mourir quand lui ne peut rien y faire le plonge dans une dépression profonde. Ces troubles post-traumatiques se caractérisent aussi par des envies suicidaires et un exemple fragrant intervient quand Rambo décide de donner sa vie et se faisant tabasser par le cartel : sa vie contre celle de Gabrielle. Cette scène surprenante où le héro se jette dans la gueule du loup sans arme, où habituellement le héro vaincs tous ses adversaires, pour le voir subir un passage à tabac dramatique. Rambo souhaite mourir et n'a pas peur de la mort. Surtout si cette mort peut sauver une vie.


Si la comparaison de la première partie de ce film à Taken (P. Morel / 2008) semble évidente, le suite des événements est une réappropriation d'un rape & revenge par Rambo. Car cette fois-ci, l'enfant meurt dans les bras du héro d'une overdose et Rambo, toujours dans sa perceptive de sauver l'opprimé décide de décimer le cartel à lui tout seul, dans une société où la police mexicaine et américaine ne peuvent rien, d'un côté la législation et de l'autre la corruption. Rambo ne se venge pas de la mort de Gabrielle uniquement, il ne s'agit pas d'une affaire que personnelle, mais Rambo souhaite libérer ces filles aux mains des proxénètes.


Le choix du Mexique, dans une période où le président des États-Unis qualifient les Mexicains de violeurs, peut sembler peut judicieux. Mais le film n'antagonise en rien le Mexique, Gabrielle étant d'origine mexicaine, la journaliste qui lui sauve la vie aussi. Rambo se bat simplement, comme dit plus haut, là où la justice n'existe plus, là où la police ne peut intervenir.


Rambo va donc revivre le Vietnam dans ce film. Envoyé dans un endroit où ils ne sont pas sensés être, deux Américains vont être confrontés à la noirceur humaine et le résultat sera la mort, mais une fois de plus pas pour Rambo. Celui-ci sera contraint d'y retourner pour y faire justice, être pourchassé et se retrouver dans les galeries qu'il a lui même creusées, un endroit qu'il maîtrise, en référence à la scène de la mine dans le premier film mais surtout à la manière dont se battait le Việt Cộng durant la guerre du Viet-Nâm, caché dans les tunnels et dans les forêts, les lieux qu'ils maîtrisaient et qui ont causé la perte de l'armée américaine.


Enfin pour répondre à la critique faite contre la violence gratuite de ce film, il convient de prendre en compte la nature du film, mais surtout de comprendre que l'effet escompté est celui de la jouissance de voir des personnages purement inhumains se faire massacrer par notre héro. Cette violence n'est donc en rien gratuite, extrême oui mais pas gratuite.


On est en droit de se demander si le film va bénéficier d'un director's cut tant le montage est parfois maladroit et la transition entre certaines scènes trop rapides. Certaines scènes dramatiques auraient mérité d'être plus longues. Il faut admettre que ce (dernier?) volet manque de profondeur et qu'il est difficile de comprendre pourquoi l'écriture du scénario a tant posé problème pour que le projet puisse aboutir. On sait de plus que David Morrell a participé à la genèse du projet sans pour autant travaille sur le scénario mais le résultat décevant pour celui-ci laisse perplexe quant à la nature du projet initial.

AlexisVantilcke
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le 25 sept. 2019

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