Railroad Tigers
5.3
Railroad Tigers

Film DTV (direct-to-video) de Dīng Shéng (2016)

Jackie Chan est un acteur qui a été très prolifique dernièrement, étant apparu dans 4 long-métrages déjà entre 2016 et ce début de 2017… mais ça ne veut pas dire pour autant que ce sont de bons films, loin de là. Skiptrace était mauvais, Kung fu yoga encore plus, et je n’attendais rien de ce Railroad tigers, réalisé par Ding Sheng. Chan avait déjà travaillé avec ce cinéaste sur Police story lockdown et Little big soldier, deux œuvres médiocres souffrant surtout d’une mauvaise réalisation. Il fut un temps où Jackie choisissait avec précaution ses collaborateurs (quand il ne réalisait pas lui-même) pour qu’ils soient en adéquation avec sa vision et mettent bien en valeur les combats. Alors pourquoi est-ce qu’il persiste à s’associer avec un tâcheron comme Ding Sheng ? Je ne peux pas croire que l’acteur ne se rende pas compte que la réalisation est pourrie ; est-ce qu’ils sont potes ? Est-ce que Sheng a des photos compromettantes de Chan ?


J’ai vu Railroad tigers avec un comparse adepte de Jackie Chan, mais sinon je n’étais vraiment pas motivé… et en fait c’était pire que ce à quoi je m’attendais. Pire que les autres films de Ding Sheng, pire que les derniers Jackie qui avaient déjà placé la barre assez bas.
La réalisation et le montage sont affreux, ça ce n’est pas une surprise : comme à son habitude, Sheng fait alterner les situations tellement vite, fait durer les plans si peu longtemps, qu’on ne comprend rien à ce qu’il se passe. Il y a toujours 15 plans différents, et qui ne durent pas plus de 2 secondes, pour des séquences simples ; parfois ça enchaîne même deux prises différentes d’un même plan par un jump-cut. Des plans ne servent absolument à rien (deux vues rapides d’une militaire qui prend son bain, juste avant une discussion avec son supérieur), et Railroad tigers dure quand même 2h, donc on a l’impression de voir la version raccourcie d’un film qui aurait duré 5h à la base. Et paradoxalement, il ne se passe pas grand chose, ça dure des plombes pour rien ; on a regardé une bonne portion du long-métrage en accéléré sans avoir l'impression d'avoir raté quoi que ce soit.
Le but de ce genre de montage doit être d’éviter l’ennui du spectateur, mais c'est contre-productif car il est impossible de se concentrer rien que sur un dialogue quand à chaque phrase on alterne entre une vue de face ou de dos des personnages.
Déjà que le scénario devait être brouillon dès le départ, tant les protagonistes sont nombreux, alors que certains n’ont qu’un rôle limité. Le pire c’est qu’à l’apparition de chaque personnage, il y a un habillage visuel cartoonesque, avec le nom et le poste de l’intéressé qui s’affiche à l’écran (et même quand trois personnes apparaissent successivement, il y a un de ces cartons sur chacun d’eux). C’est kitsch, ça brise le rythme, et ça ne sert à rien : pour tel ou tel personnage, on nous dit juste que c’est "un voleur" ou "une vendeuse de pancakes", et ironiquement, on a beau mettre toutes ces infos à l’image, on ne sait pas grand chose de ces protagonistes beaucoup trop nombreux pour être développés correctement.
Tout ce que j’ai compris de l’histoire, c’est que dans une Chine sous occupation Japonaise, un groupe de rebelles mené par "Chat ailé" s’attaque à des trains conduits par l’adversaire, et à la fin doit détruire un pont. Euh, voilà.


Les grands films de Jackie, comme Police story ou Le marin des mers de Chine, combinaient l’humour avec des moments de gravité qui faisaient qu’en dépit des gags parfois très bêtes, on finissait par ressentir de la tension. Mais, peut-être pour se montrer plus "family-friendly", dans Railroad tigers, absolument tout est tourné en dérision, même une scène d’hara-kiri.
Il y a en permanence cette même putain de musique gaguesque, le genre qu’on entend dans un cartoon quand un personnage va glisser sur une peau de banane, vous voyez ?
Encore, si les gags étaient drôles… mais aucun ne l’est. Les blagues sont sans originalité et au ras des pâquerettes : le gros ne sert à rien si ce n’est faire le boulet, il y a un des héros qui pisse dans la chaudière du train on ne sait pas pourquoi, un des méchants qui se retrouve en slip, … c’est de ce niveau.
Ce manque de sérieux, combiné au montage trop cut, fait qu’on ne ressent aucune émotion, on se fout de tout ce qu’il se passe, il n’y a de toute façon aucune tension, aucun danger, aucun enjeu.
Les cascades et combats sont sans intérêt, c’est trop court et, bien évidemment, mal monté.
Il y a juste une scène qui aurait pu être drôle, lorsque deux des héros se battent tout en étant suspendus aux extrémités d’une même corde, mais pour cela il aurait fallu que ça soit bien réalisé.
D’ailleurs, on pourrait souligner l’inefficacité de la réalisation de Ding Sheng en comparant certaines scènes avec celles d’autres films de Jackie dont le concept est repris ici : par exemple quand un des rebelles frappe un ennemi en alternant entre la tête et les mains. Ici, il y a quelque chose dans le rythme qui ne fonctionne pas, et c’est surdécoupé.
A défaut d’avoir du talent et de l’imagination, Sheng (qui est aussi co-scénariste) reprend ce qui a été vu ailleurs, en mieux : le film s’ouvre et s’achève avec un gamin qui visite un musée, où il tombe sur un train qui a été conduit par Chat ailé ; ça rappelle La mémoire de nos pères par exemple, sauf que là il y avait une logique dans ce lien entre le passé et le présent. Dans Railroad tigers, ça ne sert à rien, c’est comme les cartons sur les personnages, c’est un artifice censé donner un semblant de personnalité à cette œuvre sans âme.
Le seul moment de gravité dans ce navet, c’est le final, et ironiquement c’est là où mon camarade et moi avons pleuré de rire. Ca se veut être l’apothéose, une version spectaculaire de la conclusion du Mécano de la Général (rappelons que Chan a été influencé par Buster Keaton dès ses débuts), mais en terme d’action c’est le chaos complet, et ensuite ça se veut tellement larmoyant que ça en devient totalement con et grotesque.


"Pourquoi est-ce qu’on regarde ça ?" ai-je demandé à un moment à mon comparse. "Parce que c’est Jackie Chan", a-t-il répondu. Je m’étais posé la même question, et m’étais fourni la même réponse, face à Skiptrace et Kung-fu yoga, mais je crois qu’à un moment je vais vraiment laisser tomber.
Au moins, ça m’a donné envie de rincer ce mauvais goût en bouche avec un bon Jackie, et j’ai encore les DVD de Dragons forever et Police story 3 qui traînent à côté de mon bureau et que je n’ai toujours pas revus.

Fry3000
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le 22 mai 2017

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Wykydtron IV

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