L’amour fait mal et les chansons réconfortent

Plus je vois ce film et plus je l’aime et plus je considère que Xavier Giannoli est un réalisateur dont il faudrait voir et revoir tous les films tellement il y a à creuser à chaque passage.

« Si j’étais chanteur », commence par un plan fixe de Gérard Depardieu fumant en coulisse. Un plan sublime qui l’air de rien nous plonge dans une atmosphère à la Edward Hopper le peintre qui a si bien su décrire les classes moyennes. Dans ce film, nombreux sont les plans fixes dans des appartements, dans des coulisses, dans des loges, dans des cafés où des solitudes se croisent.

Le personnage joué par Depardieu est un chanteur de classe moyenne. Son truc, ce sont les bals, « la roucoulade », son plaisir, c’est de voir des couples se former en les regardant danser. « Le bal, c’est ma vie, c’est là que je suis bien ».

Le premier bal commence par un morceau très léger « pour un flirt ». Le chanteur drague ensuite une beauté lumineuse jouée par Cécile de France qui le traite de « lourd ». Mais en chantant « L’Anamour » il réussit à la séduire et à passer la nuit avec elle.

C’est ensuite que l'histoire commence vraiment.

« C’est humiliant de partir le matin comme une voleuse, de me regarder comme un épouvantail, je sens les choses » lui dit il quand il parvient à la revoir.

« Pour être ringard, il faut savoir durer ».

« Les orchestres s’arrêtent les uns après les autres, mais lui, il continue » dit un ami dans la seconde partie du film. « Lui au moins il n’a pas baissé les bras ».

Donc, le réalisateur tient à nous montrer en détail les différents aspects du travail du chanteur et de son équipe, mais aussi le travail de la jeune femme, avec son patron trop cool pour être totalement honnête joué par Mathieu Amalric. 

Une scène magnifique dans une maison de retraite avec un public clairsemé dont la moité dort, seul avec ses disques, le chanteur descend de scène pour baiser la main d’une dame éveillée avec humanité, respect : amour du métier.

Ainsi va sa vie de bal en bal, bals filmés avec brio et humanité, eux aussi.

La scène de danse qui réuni le duo deviendra un jour une scène culte du cinéma Français.

Puis ce moment où il commence à souffrir et où il est impossible de ne pas penser à « La femme d’à côté » de François Truffaut, quand le chanteur dit :

« Les chansons disent toute la vérité surtout quand elles sont sentimentales. »

C’est ce que Fanny Ardant dit à Gérard Depardieu dans une des scènes culte de ce film.

Chez le médecin :

«Il ne peut plus travailler alors ?» Demande la femme qui l’accompagne. Magnifique rôle secondaire joué par Christine Citti.

Le médecin répond : « Je ne sais pas s’il peut travailler, mais chanter, sûrement pas »

Ce mépris de classe transparaît souvent autour du chanteur:

« Je ne compte pas faire ma vie avec des mecs comme vous » dit la choriste d’un collègue.

Au final, une échappatoire à ce mépris lui est proposée. Qu’en sera-t-il ?

Xavier Giannoli a écrit le film pour Gérard Depardieu qui n’était pas au courant. Il a pensé qu’il ne pourrait pas refuser ce rôle. Il avait tellement raison. C’est un de ses plus beaux rôles avec ceux des films de Truffaut, en particulier le Bernard de « La femme d’à côté ». Il chante et joue dans un registre hypersensible souvent féminin que lui seul sait jouer. Et le plus beau, c’est qu’il n’écrase pas par son talent les autres acteurs et actrices. Il laisse la place. Il est juste, juste.

Si j’avais la chance de croiser un jour Xavier Giannoli, je le remercierai pour ce film et son humanité.