« C'est tout de même incroyable d'avoir autant d'argent à dépenser pour un film aussi vide et désincarné. »

(Impression en début de projection. Samedi 23 juin 2012, 11 heures et des brouettes.)

Déjà la séance avait mal commencé ; à la vision du logo de la Twentieth tout bleuté et sombre j'ai cru que j'avais oublié d'enlever mes lunettes de soleil.

Quel con...

Je reste encore sur le cul de voir avec quels efforts (financièrement) soutenus on peut noyer le poisson dans l'eau en s'appuyant sur une démarche aussi prétentieuse et fumiste pour donner de la profondeur philosophique à une franchise qui s'appuyait à la base sur la peur ; sentiment primal et instinctif et donc quasi irrationnel.

Connaissez vous plus effrayant que l'inconnu ? Plus flippant que la menace débarrassée d'explication ? Avez-vous déjà presque fait pipi dans la culotte à cause de ce que l'Obscur contient de potentiellement malveillant (intellectuellement et littéralement parlant) ?

Alien c'était ça : un monde inconnu, des formes de vie étrangères, des évènements mystérieux et dramatiques, de l'énigmatique, l'intrusion d'une "chose" dérangeante , la mort, la peur, la parano, l'isolement, et surtout pas d'explication mais juste survivre. Survivre à tout prix, retenir son souffle, suer, se cacher, sursauter, fuir. Fuir la peur pour lui faire face à la fin et vous rendre compte que vous ne voulez pas savoir d'où elle vient, ni la connaitre, ni la comprendre, mais juste vous en débarrasser et vous rendormir. Comme après un cauchemar.

Alors c'est passé où tout ça ?

Après un début qui déjà nous laisse sur notre fin, on a affaire à un film froid et prétentieux bourré d'incohérences, peu crédible —surtout dans l'écriture des personnages—, parsemé de détails improbables et de fan service douteux (au secours la dernière image).

Je vous passe les détails de science fiction super chiants pour vous convaincre que dans à peine 80 ans on pourra voyager en état d'hibernation sur 3.65x10 puissance 27 kilomètres en deux ans (en même temps j'ai pas le choix on nous l'explique pas). Donc, les mecs ils se pointent sur une planète située à perpet', ils y trouvent une piste d'atterrissage que des entités supérieures a priori à l'origine de l'espèce humaine et de toute autre forme de vie dans l'univers auraient aménagées. C'est bien. Ils se posent. Pas une larme, pas un sourcil en circonflexe, que dalle; DES PROS j'vous dis.

Ah oui au fait, la Weyland Company qui les envoie dépense 1000 milliards (sic) mais vérifie pas la santé mentale de son équipage et embarque un sociopathe iroquois plein de tatouages de tolard qui parle à des sondes géologiques et pousse des cris de loup garou.

Du travail de pros, encore.

Je vous passe les "éléments de réponses" qui ne laissent que des questions en suspens. Alors oui ça taquine le mythe de Promethée, ce rebelle pourtant de bon foie...bonne foi —pardon, qui créa l'homme à l'image des dieux et en fut puni jusqu'à plus foie..plus soif pardon. Oui les "Ingénieurs" (sic) ont créé quelque chose qu'ils n'auraient pas dû, et ça s'est retourné contre eux parce que le scénario étant de nationalité américaine en fait Dieu existe, contrairement à ce que ces connards de scientifiques arrogants ont prétendu au début, et il est fan de mythologie grecque et donc il envoie sa Nemesis sur ce peuple de géants blasphémateurs chauves qui se retrouve ainsi châtié de s'être pris pour son égal. Ouah le mindfuck... En attendant ça apporte quoi au sujet de base ?

Ben prout, parce que si Prométhée nous avait apporté le feu, Prometheus lui, nous envoie de la fumée.

Après ça, au milieu d'images certes techniquement chiadées mais ô combien froides et impersonnelles on se tape des personnages fades, antipathiques, qui ne suscitent aucunement l'attachement et encore moins l'adhésion (et pour cause on ne nous en laisse ni l'occasion, ni le temps, ni l'envie), et auxquels la plupart du temps on a soit envie de mettre des baffes (Theron sous exploitée jusqu'à la caricature), soit de les jeter dans l'espace où personne ne les entendra réciter leurs dialogues lourdingues (Marshall-Green, Pearce, entre autres...).

Bon y a des trucs rigolos comme la césarienne qui empêche pas de se taper un 4x100m après avoir oublié de signaler à tout le monde qu'un poulpe mutant se baladait dans l'unique caisson de survie du vaisseau. Et puis aussi la tête de David qui après une explosion en plein ciel et un atterrissage en triple salto du vaisseau dans lequel elle se trouvait se replace pile poil à l'endroit et à 10 centimètres de l'émetteur attaché à son corps —si c'est pas une chance de cocu!

Bon puis les petits détails du genre mais c'est quoi toutes ces jarres qui suintent on s'en fout ta gueule pose pas de questions. Ou la providence qui fait que le premièr Alien qui sort du corps d'un ingénieur (sic) ait choisi le seul qui portait une combinaison biomécanique aux traits bizarrement familiers alors que le premier qu'on voit dans le film est à poil. Du coup j'imagine même que Giger a dû puiser ses designs si particuliers d'une inspiration d'après coup aussi, hein.

Ouais puis je chipote me direz vous mais Scott il aurait pu éviter de faire passer l'esthétique du premier Alien pour moyenâgeuse avec des équipements super high tech du laser de l'hologramme de l'esbrouffe censés être antérieurs chronologiquement et donc technologiquement parlant. Même Lucas y avait pensé bordel...

Mention spéciale au maquillage de Guy Pearce qui fait hommage au désuet en réussissant le tour de force d'avoir un aspect plus daté que les effets spéciaux du 8eme passager.

Bon au milieu de toutes ces prétentions et de ce vide intersidéral de luxe surnage la frimousse de Fassbender en sosie déviant de Peter O'Toole ayant couché avec Bowie, seul capable d'insuffler un tant soit peu de mystère et d'inquiétude dans ce foutoir concave. Le peu d'énigmatique c'est à lui que vous le devrez ; le peu d'intérêt aussi. C'est tout de même assez paradoxal (et révélateur) que le seul personnage suscitant l'attachement dans ce film soit un cyborg manipulateur frigide ayant un problème d'Oedipe.

On nous avait promis des réponses, on nous avait promis un film profond qui marquerait le grand retour de Scott à la science fiction, mais ce n'est pas un retour au sources; pour moi ça s'appelle un retour sur investissement.
real_folk_blues

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