Prey
6.2
Prey

Film de Dan Trachtenberg (2022)

Dans la série «ok, je ne comprends pas les critiques dytiranbiques de ce film », le dernier né de la saga Predator est sans doute une de mes plus grosses incompréhensions du moment.


Le pitch, pourtant, était aux petits oignons. Un setting original et ultra-adapté au propos, la promesse de paysages magnifiques, de combats nerveux et stylés, la découverte de la culture Comanche qui, selon le réalisateur, allait être particulièrement mise à l’honneur. Surtout, l’apparition d’un nouveau Predator à la sauce XVIIIème siècle, bref un alignement complet des étoiles qui promettait d’offrir un grand spectacle qui rendrait enfin un peu de son prestige à notre alien préféré, tant malmenné par les derniers films qui le mettait en scène…


Et là, choux blanc. Rien ne se passe devant l’écran. J’attends, nerveuse, des éclairs de génie qui ne viennent pas. Je vois le personnage de l’héroïne devenir progressivement de plus en plus antipathique et finir par ressembler à tout ces personnages féminins pseudo-badass et ultra-stéréotypés que je déteste dans les films (le fameux syndrome du « je vais faire la gueule durant tout le film et être désagréable avec tout le monde histoire qu’on comprenne que je suis une patronne »). Je vois tout l’univers de la culture comanche être réduit à deux trois plans du campement et quelques termes jettés ici est là, sans que cela ne puisse m’apprendre quoique ce soit. Je vois le propos critique, sur la masculinité toxique (c’est si original en passant!) se retourner totalement contre le film au fur et à mesure que l’incompétence crasse de Naru, couplée à son caractère de merde et à ses prétentions bien lointaine de ses réels talents, nous prouve que tous les mecs de la tribu ont bien raison de la détester. Je vois le traitement totalement absurde et caricatural des trappeurs « français » qui fout totalement à la poubelle un éventuel propos critique de qualité sur les déséquilibres apportés par les européens, préférant nous montrer de gros vilains pas beau tels qu’on les faisait dans les années 80, plutôt que de nous montrer des personnages et relations plus complexes. Les Comanches sont très gentils, les trappeurs sont très méchants (et n’ont visiblement aucune autre motivation que celle d’être méchant), c’est simple, efficace, le spectateur n’aura au moins pas trop à réfléchir.


Et surtout, je vois la fin. Bon dieu, cette fin ! Elle résume à merveille tout ce qui ne va pas dans la dernière lueur d’espoir qu'il me restait de ce visionnage, à savoir le Predator en lui même.


Le Predator, parlons en ! Certes, ses premières apparitions et sa montée en puissance sont intéressantes, et quelques plans sont même carrément très stylés (le moment où on devine pour la première fois la totalité de sa silouhette, alors qu’il est couvert du sang d’un ours, est franchement sympa). Problème : notre Predator est complètement incohérent. Parfois des personnes à terre ou en pleine fuite ne sont pas considérées comme des menaces / défis dignes d’intérêt, parfois elles le sont – c’est un peu à la tête. Parfois le Predator va combattre au corps à corps avec une dizaine de personnes autour de lui, parfois il va utiliser l’intégralité de ses explosifs pour venir à bout de trois abrutis sur un terrain qui lui est parfaitement à son avantage. Quant aux trophées, c’est largement à la tête une fois encore, et cet élément n’est absolument pas exploité dans le scénario.

(Alors que bon, il y avait clairement à jouer sur ce plan là au moment où Naru voit son frère se faire tuer par exemple)

Et donc, pour en revenir à la fin de notre ami Predator, nous commençons sur un schéma classique mais efficace à la façon du premier film : Naru n’est clairement pas assez puissante pour le vaincre aux gros bras, elle usera donc de la ruse pour en finir. Enfin, de la ruse et du sacrifice préalable de tous ses petits camarades, qui auront causé les dégats nécessaires pour qu’on puisse croire un minimum à ses chances de réussite.... sauf que...

Problème : la résolution se limite au Predator qui se tue tout seul en se tirant dessus.

Je répète : Le Predator se tue tout seul comme un grand ! Comment ? Parce que Naru dissimule le casque de ce dernier sur les lieux du combat final, ce même casque qui permet au Predator de cibler ses proies pour les matraquer de projectiles. Ce qui nous donne une scène incroyable de bétise, où notre Predator vise Naru avec son gantelet, ne se rend visiblement pas compte du fait que c’est totalement con puisqu’il n’a pas le retour de visée du casque et ne sait donc pas où vont se diriger ses projectiles, mais tire quand même ! On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. Pas de bol, la vile Naru avait fait en sorte de placer le casque dans son dos, ce qui fait que ses projectiles se retournent contre lui et finissent par le transpercer… dans le genre pet mouillé, on fait difficilement mieux. C’était ça l’antagoniste ultime ? Un débile qui ne sait même pas comment son matériel est censé fonctionner ? Sérieusement ?

Alors on reconnaîtra quand même au film quelques qualités de réalisation et de mise en scène, avec des paysages effectivement superbes, une action qui a le mérite de ne pas être trop sur-cutée, et quelques combats assez intéressants même si franchement peu cohérents (notamment parce que l’héroïne a des capacités de combat qui ne cessent de varier avec les exigences du scénario). Mais ce n’est clairement pas suffisant pour remonter le niveau général. Prey est un film certes généreux mais mal branlé, fainéant, et qui a le terrible défaut de prendre un peu les spectateurs pour des cons.


Le pire ? C’est que ça marche, et qu'il a donc raison de le faire.

Sigynn
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le 29 août 2022

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Sigynn

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