C'est vrai quoi, on a pas mal parlé de Kévin, il serait temps de s'intéresser au cas de Cédric qui lui n'est pas un adolescent violent mais un adulte d'une trentaine d'années. Apparemment, pas grand-chose à dire, si ce n'est qu'il est barbu, que son visage est assez fermé et qu'il semble rechercher l'isolement. Un peu comme s'il redoutait le contact avec les autres. En fait, Cédric vit chez ses parents, dans une grande maison, quelque part en Belgique. Le film commence avec des préparatifs pour une réunion de famille. La table est dressée dans le jardin, ce qui est l'occasion de commencer à comprendre la personnalité de Cédric, puisqu'il faut que sa mère lui suggère d'aider pour qu'il se bouge un peu. Il aide vaguement son père qui s'active du côté du barbecul, mais s'éloigne dans les bois et joue un peu avec le jeune fils de son frère Laurent qui se fait attendre. La mère du petit, Cyrielle... drôle de prénom pour une jeune femme asiatique, s'inquiète un peu et va récupérer son fils alors qu'il vient de tomber. Plus de peur que de mal. Après une bonne averse, la famille se met à nouveau à table à l'intérieur, pour le dîner. La soeur de Cédric, Caroline, s'est mise d'accord avec sa mère pour ne pas attendre l'arrivée de Laurent pour annoncer la bonne nouvelle, elle est enceinte. Grande nouvelle qui va devenir anecdotique avec le comportement de Cédric qui évolue d'abord insensiblement pour prendre des proportions inattendues et tout bouleverser.
Ce premier film d'Antoine Cuypers est totalement maîtrisé, aussi bien du côté du scénario, que de l'interprétation que de la mise en scène. Une vraie révélation. Le scénario met le spectateur dans une situation bizarre, car si Cédric paraît bien anodin et inoffensif au début, quelques remarques des membres de sa famille laissent penser qu'on peut s'attendre à quelques surprises. Effectivement, il y en a parce que Cédric est quelqu'un de différent. Rien d'autre n'est dit, mais on peut supposer qu'il souffre d'une forme ou une autre d'autisme, car il est incapable de taire ce qui l'obsède. L'événement du moment risque de mettre ses envies à l'arrière-plan, alors il va réagir à sa façon et tout gâcher. Ce que le film traduit de façon lumineuse, c'est que dans un tel cas, il n'existe aucune attitude satisfaisante. La gentillesse, la compréhension, l'ignorance, le rejet trouvent toujours leurs limites car Cédric sent qu'il n'est pas considéré comme tout le monde. Le titre est bien trouvé, car s'il y a préjudice, ce n'est pas que pour Cédric qui ne peut pas mener la vie qu'il voudrait. Le préjudice est pour tous et personne n'y est pour rien. La mise en scène permet de faire monter la tension progressivement en accordant de la place à chacun des personnages, montrant les relations qui existent et celles qui peuvent se nouer ou évoluer. La façon dont Cédric est considéré est montrée naturellement, laissant au spectateur la possibilité de se faire son opinion. Le réalisateur ne nous balance pas un cas qui serait fixé à l'avance, même si les personnages ont déjà chacun leur vécu de la situation. Enfin les acteurs sont à la hauteur des ambitions du réalisateur, avec Nathalie Baye dans le rôle de la mère, Thomas Blanchard dans le rôle difficile de Cédric et Cathy Min Jung dans le rôle de Cyrielle. Il y a aussi Eric Caravaca et ariane Labed. Evidemment, ce n'est pas un film d'action mais un film intimiste centré sur un drame familial. Ce n'est pas un film de distraction mais un film intelligent que je recommande !

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le 24 févr. 2016

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