L’œuf ou la poule ?

Voilà un film intéressant qui répond à une occurence précise du célèbre paradoxe. Bon, ce n'est pas le but premier du film, passons.

J'ai lu quelques critiques sur ce film et il n'est pas possible d'en raconter l'histoire sans commencer à spoiler. C'est une construction délicate. Beaucoup se plaignent du fait qu'on devine assez vite où on va en venir. Personnellement, j'ai deviné les grandes lignes du twist final à la minute 40. Cela dit, comme le film tourne autour d'un paradoxe temporel, il tourne en boucle autour des mêmes scènes, selon des points de vue différents, et le suspens reste intact : quand on regarde Titanic, on connait déjà la fin, ça n'empèche pas d'apprécier le travail du réalisateur et des acteurs. Ce sont les petits détails qui font la force du film.

On compare ce film à Loopers, je trouve ça injustifié. Loopers est un (mauvais) film d'action qui utilise le voyage dans le temps comme ressort narratif. Mais on pourrait s'en passer, car l'intérêt réside dans l'action. Pour Prédestination, le sujet du film, c'est le mindfuck du paradoxe temporal et le jeu des acteurs.

Et c'est là que j'ai pris du plaisir. Le jeu des acteurs, cet espace de huis-clos, et surtout la première partie du film, très classique, narrative, qui prend le temps de poser la psychologie de Jane, son itinéraire, ses compétences, son inadéquation dans le monde qui l'entoure ; la sympathie que l'on éprouve pour elle et son interlocuteur ; et le tour de force de Sarah Snook, qui dévoile des dons de comédie bien supérieurs à la norme.

Et franchement, si on aime les films, c'est quand même aussi pour les acteurs, non ? Et justement dans ce film, ils sont tous très bons. Pas nombreux, mais très bons, avec de belles scènes, de beaux dialogues, ils ont mis en valeur et portent fièrement cette histoire qui lorgne du côté de l'esthétique des films des années 50.

Pour moi, c'est vraiment le contraire de Loopers : de bons acteurs, une bonne histoire, une réalisation discrète sans trop de fioritures.

Le seul petit défaut, ai-je trouvé, c'est la fin, trop rapide et sans explication ni description, par rapport au luxe de détail sur la genèse du personnage. Je ne peux pas trop expliciter pourquoi sans faire un spoil, mais vous comprendrez en le voyant. Vu que beaucoup de l'intérêt du film repose sur la compréhension psychologique des personnages qui voyagent dans le temps, j'aurais aimé un récit plus détaillé de la façon dont il va terminer sa vie - pas seulement les lignes générales, mais un vrai récit filmé et dialogué. Il y a trois époques dans la vie du personnage de Jane, et la troisième n'est vue que par ses conséquences et non dans son élaboration.

Mais bon, ça aurait fait un film de trois heures, aussi. :)

A conseiller aux amateurs de SF, de récits d'enfances compliquées et de voyages dans le temps.