Powder
6.5
Powder

Film de Victor Salva (1995)

Victor Salva est une petite figure intéressante de l'industrie du cinéma. Plutôt dans le concept de seconde chance dont on peut bénéficier dans une telle industrie. En effet, le bonhomme est notoirement connu pour avoir fait de la prison suite à un procès pour abus sexuel sur mineur (de 12 ans). Il avait reconnu les faits et avoir eu d'autres rapports avec des mineurs. L'anecdote revient régulièrement et à chaque grosse sortie, l'affaire rebondit, souvent pour ralentir la carrière de ce réalisateur, connu pour la saga Jeepers Creepers et son boogeyman très très crypto-gay. Powder était justement le film que Victor Salva a tourné après avoir fait de la prison, aussi, l'ambiance du tournage était particulièrement tendue. Il semble d'ailleurs que la jeune victime de l'époque (le gamin de Clownhouse) ait fait de nouvelles déclarations à la sortie du film pour appeler à son boycott.


Powder a été concocté dans la difficulté, et essaye de développer un intéressant portrait de personnage surnaturel partagé entre sa curiosité pour les émotions humaines et sa grandissante déception vis à vis de la société en général. Nul doute que Burton aurait adoré pouvoir développer un personnage similaire (une certaine simplicité sentimentale a tendance à pointer dans cette voie), mais ici, c'est clairement un amateur de série B bien construite qui est à la barre, et qui recherche une efficacité sans vouloir céder à l'appel de la surenchère. Powder commence donc d'une façon excellente, en caractérisant parfaitement son personnage et en lui laissant une large part d’ambiguïté qui servira à doper l'attention du spectateur. Et jusqu'à la moitié du film, les directions qui se profilent restent très intéressantes, en se résumant à la dualité mentionnée en début de paragraphe, en dosant parfaitement la progression dans les enjeux. Toutefois, un petit bémol pour sa représentation de l'intelligence du personnage, qui veut bien trop ostensiblement prouver qu'il est intelligent pour que cela soit sincère et désintéressé. Il était nettement plus convaincant dans sa posture d'autiste, mais son évolution réserve quelques séquences qui seront méritantes question impact.


On sent toutefois une influence de Disney dans l'adoucissement global du portrait fait des humains. Cela positive le film sur la durée, mais amoindrit radicalement les possibilités de nuisance du personnage, qui sont finalement bien peu exploitées. Non pas que son caractère pourrait le rendre particulièrement nuisible, mais plutôt qu'il a de nombreuses capacités d'action qu'il n'exploite finalement pratiquement pas. Le concept de l'affinité électrique est toutefois plutôt bien exposée et utilisée, suffisamment pour que l'on reconnaisse le savoir faire de Salva.


Un petit bémol pour la scène sur le terrain de basket, il me semble curieux qu'un être intelligent capable de lire dans les pensées (et donc de ressentir les émotions des personnes) persiste à vouloir exposer les moments de faiblesses de son bourreau devant ses amis sans percevoir toute la honte qu'il est en train de susciter (et donc les conséquences violentes dans la logique des choses).


Question ambiguïtés, le film entretient assez bien celle de son protagoniste, en soignant notamment son aspect physique très lisse et imberbe, ainsi que sa démarche maladroite qui force clairement la sympathie. Toutefois, on sent parfois un petit peu plus que de la sympathie, on part parfois carrément dans le charisme (et sa séduction). Et au détour d'une scène voilà qu'on flirte d'un coup avec une totale ambiguité d'orientation (le personnage clairement asexué (avec une tendresse hétéro) se met à fixer d'un coup un sportif sous la douche. Un petit moment bizarre, hors sujet, mais qui suggère une certaine envie de de Salva de projeter un peu de lui au travers de son protagoniste. On retrouve d'ailleurs les sportifs universitaires homophobes sadiques qui sont devenues une figure classique de sa filmographie. Un peu dommage toutefois que le sujet ait été maladroitement tenté sous cet angle, nous aurions préféré davantage de développement.


On sort tout de même satisfait du film, dont on n'attendait pas un travail aussi sérieux. Malheureusement, cette volonté de coller aux sentiments des personnages finit par gravement handicaper la capacité du film à offrir du fantastique en évolution, et surtout échoue à offrir un final satisfaisant, basculant involontairement dans le quasi-nanar durant sa dernière scène, qui ressemble davantage à une fuite en avant qu'à un climax émotionnel. Reste toutefois une solide interprétation de la part de tous les acteurs, et un film fantastique honnête.

Voracinéphile
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le 11 avr. 2018

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