La trajectoire de Candice Lecoeur alias Martine Langevin ressemble beaucoup à celle de Marilyn Monroe alias Norma Jean Baker. Un écrivain en mal d'inspiration va faire le rapprochement en enquêtant sur le suicide trop vite classé de cet enfant du pays. L'intérêt serait mineur si le réalisateur de Poupoupidou ne s'était pas mis en tête de raconter l'histoire de David Rousseau en même temps. A l'image de Candice, le personnage de Jean-Paul Rouve assume le même déséquilibre entre son identité publique et privée, la même solitude au milieu des autres, La pseudo connivence envisagée par le réalisateur entre cette star locale au destin fulgurant et ce gratteur de romans de gare est justement ce qui donne une dimension subtile au film. Les points communs entre Marilyn et Candice deviennent alors secondaires face à une rencontre que la vie n'a pas provoqué mais qui aurait pu être belle entre ces deux-là.
L'un dans l'autre, le film plaît puisque le spectateur n'est pas en terrain balisé et se prend au jeu que ce ne soit pas le cas. Comme David est très exotique pour Mouthe autant que Candice l'est au star-system, le no man's land devient l'expression propre et figurée de Poupoupidou. C'est ce qui est sa marque de fabrique, sa légitimité même et on se demande bien ce qui va se produire dans ce bled froid et enneigé.
Avec les journaux intimes de Candice, David devient aussi le propre lecteur d'un roman réaliste, à tel point qu'il se demande à un moment si ce matériel amateur ne pourrait devenir malgré lui un succès éditorial puisqu'il est comme happé par le récit abracadabrant de la jeune femme de Mouthe, avec un style qui révèle un vrai recul sur sa vie et les gens qu'elle côtoie. Mais notons que l'écrivain n'oublie pas la vraie enquête qu'il poursuit grâce à un gendarme dégourdi qui a le mérite de confirmer ou d'infirmer ses hypothèses. L'écrivain de polar et l'enquêteur ne sont-ils pas animés du même désir de vérité? Une question bel et bien soulevée par le réalisateur et très à propos.
Si vous aimez les films cérébraux à plusieurs niveaux de lecture, vous aimerez certainement Poupoupidou. Si vous aimez vous perdre un peu, laissez vos pensées vagabonder, ce sera le cas aussi. A vous de voir.
Specliseur
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les grands espaces et Pellicules 2015

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le 11 mars 2015

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