L'ennui est peut-être le ressenti que j'ai le plus de mal à gérer au cinéma. Suis-je responsable ou est-ce le film ? L'ai je vu dans les bonnes conditions ? La question se pose chez Tarkovski, évidemment, mais elle se pose ici, chez Sciamma. Car Portrait de la jeune fille en feu est un film qui prend son temps, qui ménage ses effets au maximum, pour les redéployer dans deux scènes absolument sublimes. Cela se ressent dans l'introduction, où l'on dissimule Adèle Haenel le plus longtemps possible, jusqu'à la faire apparaître dans un plan, aussi simple que beau. Transition parfaite et évidente pour évoquer la plus grande qualité du film : son visuel. Tous les plans sont à tomber, et on ne pourra que se souvenir de Barry Lyndon dans leur composition en tableau, quoiqu'on soit ici sur une fresque en huis clos intimiste. Mais c'est paradoxalement dès que Céline Sciamma rompt son dispositif de mise en scène qu'il est le plus beau : la scène autour du feu, d'abord, première irruption de la musique dans le récit, mais enfin et surtout la scène finale, dont le dernier plan me hantera longtemps, tant l'émotion qu'il m'a procuré est forte.