J'ai eu du mal à trouver le sujet du film. Rien, pas même le titre, n'est évident. Pourquoi s'ouvre-t-il et se ferme-t-il sur des étoiles factices?
Je suppose qu'il est question de gens qui se mentent à eux-mêmes, et succombent à leurs illusions fatales. Il n'est pas question de savoir de quelle manière ils le font, ni de voir une dénonciation précise des tromperies, alors presque rien n'est montré sinon des détails coupés du contexte, qui ne permettent pas de visualiser les processus de mystification. Bien que l'accumulation de ces "détails compromettants" (gros plans sur des mains et des entre-jambes, aperçus furtifs d'états semblables à une sorte de crise épileptique) laisse sournoisement pencher l'interprétation du spectateur en faveur d'une lecture psychanalytique du caractère des personnages. Cette théorie de l'esprit de la femme de l'ère industrielle convenant forcément à des personnages apparemment sans sexualité, et qui ont les valeurs de leur époque, consistant à se mentir sur eux-mêmes et sur leur frustration, poussés à ce degré de "sublimation" qu'est l'autosuggestion de la pratique mediumnique (...méthode Coué).

Un drôle d'appareillage qui enserre la tête de la medium, les rayons x, ce sera à peu près tout ce que nous saurons de la méthode de tests "scientifiques" pratiqués sur l'opération spirite. Des mains posées sur d'autres mains, des grognements évocateurs, laisseront rien moins qu'ouverte la possibilité d'une fascination érotique refoulée derrière la pratique mediumnique. Une famille reconstituée mais non "consommée", diverse ambiguités... La manière dont la rumeur sur le producteur juif se nourrit de tout et n'importe quoi, plaquant même son visage sur celui d'un acteur de court-métrage porno...Et dont le même producteur s'illusionne jusqu'au bout sur la "justice" institutionnelle. Dans le laboratoire, sur l'écran ou dans la vie, on ne voit que ce que l'on est prêt à voir, et les faits bruts n'existent pas (la réalisatrice nous montre quand même la furtive manifestation ectoplasmique sur pellicule, après à nous de voir...) Bon, la philo c'est bien beau, mais il est question d'un film ici. De narration et d'émotion. Or il semble que la réalisatrice mette en oeuvre la théorie qui se défend de l'être, "l'art du roman" de Kundera. Tout ça pour ne pas faire dans le genre Hollywoodien? Encore faut-il en avoir les moyens (monétaires pour les films d'action, scénaristiques pour les film psychologiques ou humoristiques).
Au bout d'une heure, je commençais à m'ennuyer, et regrettais qu'on se mette à suivre les ennuyeuses "aventures" cinématographiques de la grande soeur, personnage le moins intéressant, aux dépens du sujet supposé du film, la pratique spirite. Mais ça correspond à cette logique d'évitement de la confrontation au réel, et de la pratique d'escamotage de la prestidigitation : focaliser l'attention sur l'inessentiel. Et puis, le cinéma prend le relais d'autres pratiques pour combler le besoin de mystifications...Un technicien n'explique-t-il pas à la grande soeur devenue actrice que le cinéma permet aux handicapés de l'existence de ressentir des émotions en les mettant en scène? La réalité humaine émerge de la falsification. Comme ensuite la grande soeur décrira la capacité de sa puînée à aider les gens à croire à ce en quoi ils aimeraient croire...Sans ajouter que pour cela, elle doit y croire elle-même, comme un médecin administrant un placebo sans le savoir. Ca marche, si on croit que ça marche. Tant pis pour les sceptiques et les "esprits scientifiques"...
Il en résulte un film forcément décevant, puisqu'il n'y a ni fantômes ni dénonciation des fantômes fabriqués : ni Conjuring ni Scooby-Doo, tout le film se passe sous sa jolie surface. On ne creuse pas sous les non-dits d'une époque, puisque avec le recul du temps, le spectateur peut par lui-même mesurer le degré d'aveuglement des personnages. Ou pas, selon sa propre époque et son lieu de résidence.
A part tout ça, l'intrigue pas très resserrée m'a laissé croire par moments qu'il y avait des sauts temporels entre l'après-guerre et l'entre-deux guerres, ce qui ne m'a pas aidé à entrer dans le film. C'est d'ailleurs la prémonition de sa mort, après laquelle semble courir le producteur, que j'ai prise pour un souvenir et qui est plutôt un possible flash-forward, qui m'a induit en erreur. L'ambiguité de son "hallucination" est d'ailleurs l'un des rares éléments qui laissent ouverte la possibilité de la voyance...
J'ai eu tout du long l'impression de ne pas comprendre grand chose, pour finir sur une note très clairement déprimante quand même. Les acteurs sont bons et ont des visages plastiquement bien mis en valeur (de belles femmes, des hommes aux yeux qui sont déjà un roman - content de voir que l'assassin de Jimmy Cobb est toujours en vie et en liberté!), ce qui m'a suffi pour ressentir une certaine sympathie pour leurs déboires fictifs. Néanmoins, le mystère est laissé sur le caractère et le passé des personnages. Ni film d'action, ni psychologique. Alors quoi?... Film "d'art" ?

ChatonMarmot
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le 10 juin 2017

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