Un pote à moi m'avait mis l'eau à la bouche quant à ce film. La manière originale de mettre en scène l'histoire notamment. Du coup, con comme je suis, je le regarde fissa.
Je les aime bien mes potes, ils me font découvrir des films et, qu'ils soient bons ou mauvais, je suis content au final.


Et de voir Phénomènes Paranormaux (The Fourth Kind en VO, avouez que ça claque plus), ça m'a rendu heureux puisque ça m'a permit de me sortir les doigts du cul pour écrire une nouvelle critique.
Il est tellement facile de faire un parallèle avec The Blair Witch Project. Vous savez quel est le point commun ? Sa promo et, par extension, le rapport que le spectateur peut entretenir avec la réalité à travers ce film.



Promenons-nous dans les bois



The Blair Witch Project était innovant grâce à son intelligente promo. Les réalisateurs avaient annoncés avoir trouvé une caméra dans la forêt et avaient présenté les vidéos en question dans celle-ci sous la forme d'un film à la lisière du documentaire (un peu comme Cannibal Holocaust le fit à son époque)... Ils avaient même poussés le vice jusqu'à créer un blog sur Internet retraçant le journal du personnage principal les jours précédents les événements. Les spectateurs furent persuadés d'avoir affaire à du réel.


Nous savons tous aujourd'hui que cette histoire était fausse mais le pot-au-rose dura quand même quelques semaines !
D'ailleurs le fait que le film soit encore aussi apprécié vient du fait de l'ambiguïté constante des rapports entre les personnages et que la fausse histoire vraie ne prenait pas trop le pas sur le film, on ne nous le rappelait pas constamment comme le fait The Fourth Kind.



Promenons-nous dans la connerie



Le film présent part du même principe. Il montre des vraies vidéos d'entretiens (enregistrées par la psychologue Abigail Tyler) pendant le film, la promo tournait autour d'articles de vrais journaux locaux (Nome Nugget et Fairbanks Daily News-Miner) relatant les événements... Ces vidéos d'entretiens sont comparées à sa version cinématographique en split-screen, d'un coté la « vraie » Abigail Tyler, de l'autre Milla Jovovich. Celle-ci brise d'ailleurs le quatrième mur au début du film afin de nous dire que cette histoire est réelle et que nous sommes libres de croire ou non à celle-ci.


Il n'a pas fallu beaucoup de temps avant que le mensonge soit découvert, notamment par l'un des journaux locaux évoqué quelques lignes auparavant. Celui-ci (en voyant que son nom a été utilisé, sans autorisation préalable, pour diffuser de faux articles de journaux) attaqua Universal Pictures en justice... Le studio reversa 20 000 $ au journal pour qu'il retire sa plainte.
De même, peu de temps après la sortie, les gens ont découverts qu'Abigail Tyler et son histoire ne sont que purs inventions.
C'est bien beau de jouer avec la réalité mais entre s'amuser et se moquer des gens, la ligne est fine. Une ligne que le studio a franchit dès sa promo.



Knock-off



L’intérêt du film aurait pu s'articuler autour de la comparaison entre réalité et fiction, et surtout flouter encore plus le lien qui les unis. Mais le fait de placer en split-screen, donc cote-à-cote, ces deux faces ne donne, selon moi, que l'impression de regarder une mauvaise contrefaçon de la réalité. Platon disait justement que l'Art est une imitation de la réalité et que cela nous éloignait de la connaissance. Cette connaissance, ici, c'est la fausse vérité que veut nous vendre le film. Que cette histoire vraie est en fait un tissu de mensonges dont l'unique but est d'engranger de l'argent en se moquant de la crédulité des spectateurs.


D'un autre coté, le film permet au spectateur de réfléchir sur ce qu'est le cinéma dans sa relation avec le spectateur. En particulier avec le voyeurisme.


Nous sommes plongés dans un monde ressemblant au notre (ou pouvant ressembler au notre), nous regardons la vie intime d'une personne évoluer (en bien ou en mal). Nous savons que nous regardons un film, que tout est faux, mais quand un film, qu'il soit biographique ou pas, se permet de dire que son intégralité a réellement existé alors qu'en fait non, on peut vraiment se poser quelques questions sur l'intention de base. Que l’intérêt soit mercantile, je veux bien. Mais jouer avec la réalité comme l'a fait le film, ça reste dangereux.



Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités



Il ne faut pas oublier que les films ont un immense pouvoir : le pouvoir de l'image. Un spectateur naïf et crédule peut prendre un film pour vrai. Exemple tout bête en dehors du cinéma : quand Orson Welles fît une adaptation de War of the Worlds de H.G. Wells à la radio, quelques personnes ont réellement cru à une invasion extraterrestre (bon je triche un peu, ils avaient, semble-t-il, pris l'histoire en cours de route). Et que dire de L'arrivée du train en gare de La Ciotat, quand tout le monde se précipita en dehors de la salle par peur de se faire écraser (je triche ici aussi vu que c'était la 1ère fois qu'un public voyait un film). Mais je pense que vous voyez où je veux en venir (j'espère plutôt) : une image peut avoir un effet dévastateur sur la psyché d'une personne, pour peu qu'elle soit naïve et crédule, ou présentant une certaine « faiblesse » mentale.


Alors imaginez l'effet qu'aurait eu ce film, ce pur tissu de mensonges jeté à la face de ce spectateur qui pourrait, dans l'éventualité qu'il ai apprécié le film et se soit retrouvé complètement plongé dedans, éveiller une certaine paranoïa ou je ne sais quoi d'autre, faisant de lui un danger pour lui-même voire pour les autres.


Bug de William Friedkin en parle très bien et ce, de manière parfaitement ambiguë. Le personnage de Michael Shannon explique à Ashley Judd qu'il est poursuivi par le gouvernement. Au début elle ne le croit pas mais la paranoïa fini par la toucher (la transmission d'un caractère psychologique négatif est un thème récurrent chez Friedkin). No spoil mais, à la fin du film, on ne sait pas si cette paranoïa était justifiée. Du coup, on ne sait différencier la « réalité » de la « fiction » dans ce film en tant que spectateur. Maintenant imaginez que le personnage de Ashley Judd, qui est aussi le spectateur du Train en gare de la Ciotat et de La Guerre des Mondes, regarde ce film, qu'on lui martèle sans arrêt que c'est une histoire vraie avec preuves à l'appui et tout et tout. Que va-t-il se passer ? Il / Elle va croire que c'est vrai et développer une forme de paranoïa et faire comme les personnes qui ont foutu le boxon en croyant qu'il y avait une vraie invasion extraterrestre.


Mais n'est-ce pas justement ce que j'évoquais précédemment : la limite parfois floue entre réalité et fiction ? Est-ce que ça veut dire que le film a réussi son pari ? De proposer une fausse réalité et de la comparer avec une fiction ? Était-ce le but ? Je n'en sais rien en fait, et je pense que c'est à vous de me le dire.

19fox64
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le 28 nov. 2017

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