M. Night Shyamalan a l’art de diviser le public. Conteur hors pair, philosophe de pacotille, créateur d’atmosphères, amateur de twists dantesques ou ridicules, son œuvre ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut. Phénomènes illustre parfaitement cette image clivante du réalisateur. L’idée est intéressante, l’ensemble globalement bien mené mais le réalisateur se heurte à deux soucis majeurs. Conte philosophique écologique, le propos peine à tenir la distance en dépit de personnages qui sont plus ou moins des scientifiques. Plus dérangeant, le ton toujours un peu guimauve chez le réalisateur qui nous raconte toujours en creux que l’amour peut nous sauver de tout. L’histoire d’amour du couple principal et les difficultés franchement bêbêtes qu’il traverse forment une véritable distorsion avec le récit.
En ce sens, le film est pénalisé par ce parti-pris du bonheur béat de l’amour avec le contexte du récit. Le couple paraît ainsi très rapidement intouchable et traverse le film en évitant avec une chance improbable d’éviter tous les dangers qui se présentent à lui. Cet élément empêche le film de toucher tout à fait son but, donnant l’impression de cumuler les digressions propres à la vie du couple pour parvenir jusqu’à 1h30 de métrage. On aurait évidemment préféré que ce temps soit utilisé à davantage de péripéties propres au concept même du film. Que madame soit allée manger un dessert avec un collègue après le travail, en fait, on s’en fiche clairement, surtout dans un contexte où la fin du monde semble terriblement proche. C’est dans cette approche que M. Night Shyamalan se révèle terriblement maladroit.
Cela ne gâche cependant pas la totalité du film, loin de là. Les suicides sont bien imaginés et parfaitement mis en images, la nature est délicieusement inquiétante, et les comportements humains plutôt bien vus avec des personnages ravagés ou lunaires croisés à plusieurs reprises. Ce n’est ainsi pas le grand n’importe quoi souvent décrit. Le rythme est, en outre, bien maîtrisé, et Night Shyamalan parvient à trouver un bel équilibre entre film fantastique et film catastrophe en relisant avec pertinence certains codes des deux genres. Entre La Guerre des mondes et Le Jour d’après, le ton est trouvé avec une certaine élégance. Le film ne tient pas toutes ses promesses mais il se défend.
6,5