Peter Pan
7.1
Peter Pan

Film de Herbert Brenon (1924)

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au deuxième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

Nous avons mis les voiles. Ces deux derniers mois, je m'étais démenée à mettre notre expéditions en place, tandis que Sirius s'évertuait à tenter de me dissuader. En vain. A l'instant ou j'avais eu l'idée de quitter Paris, cette envie s'était muée en besoin. Tout m'y dégoûtait. L'horizon décapitée, l'air opaque, la foule grouillante, le bruit entêtant, la nuit poisseuse et ses habitant.e.s fourbes, malsain.e.s, enlisé.e.s dans leurs magouilles et leurs petites guerres d'égos, menaçant de détruire le monde à chaque fois qu'un.e voisin.e oubliait de leur souhaiter le bonsoir. Je suis donc partie vers la côte, pour y trouver le navire qui nous arracherait à tout ça, tête baissée, sans trop réfléchir ni jamais regarder en arrière. Curieusement, ma folie avait séduit les quelques ami.e.s qui me restait dans la capitale, et c'est finalement un petit équipage au complet que j'avais réuni dans ma fuite. C'est curieux, mes ami.e.s avait toujours souris de mon entêtement à perpétuer le mois-monstre, sans jamais manifester d'intérêt plus grand. Je ne saurais expliquer pourquoi cette année est différente, en tout cas c'est accompagnée, pour la première fois, que j'entame ce cycle sur les sirènes.

Après un tour d'échauffement de 4 minutes nous faisant frôler la naissance du cinéma, c'est relativement peu de temps plus tard que nous nous réunissons à nouveau tous sur le pont pour suivre les aventures des sirènes au cinéma. Puisque Neptune's Daughter a péri dans la mer de l'Histoire, c'est en 1924 que nous faisons notre deuxième escale, pour un film du même réalisateur (fan de sirènes, monsieur?), qui s'essaye cette fois à la première adaptation cinématographique du chef-d’œuvre de James M. Barrie.

Je me pose tous les ans la question de l'ouvrage de référence, s'il existe, ou non, quel est-il, et quel est l'impact de cette éventuelle pré-existence dans les aventures sur grand écran du monstre à l'honneur. Et je m'impatiente depuis que j'ai dressé le programme du mois-sirène de découvrir ce monstre à trois-têtes : car voilà, non content d'avoir un ouvrage de référence, les sirènes semblent en avoir trois. Car si on attendait bien entendu des adaptations à la pelle des aventures d'Ulysse pour retrouver nos copines envoûtantes, il se trouve en fait qu'on trouve beaucoup plus d'adaptation du conte de Andersen ou de la pièce de Barrie. D'où découlera j'imagine, un autre monstre, à deux têtes celui-ci : parfois la sirène est une créature diabolique, envoûtant les marins pour pouvoir les dévorer, d'autres fois la sirène sera une créature angélique, de celles qui servent à dire en une image que nous sommes au pays du merveilleux, que tout y est plus brillant et plus gentil que dans le monde réel. Drôle de créature que la sirène, qui ouvre déjà toutes ces portes de réflexions avant même le visionnage des films.

En tout cas ce soir, c'est à travers l’œuvre de Barrie que nous retrouvons les sirènes à l'écran. Il faut savoir que j'adore Peter Pan. Mais malgré une lecture attentive du roman, et un visionnage assez maniaque de la plupart des adaptations (quelques unes seulement m'ayant échappées ont été invitées au programme du mois-sirènes), je ne me souvenais que très vaguement de la présence de sirènes. Pourtant, en tout cas dans le film de ce soir, bien que leur rôle soit ponctuel, il n'en est pas moins majeur : une première apparition sert à montrer que la frontière du pays imaginaire a été franchie (c'est l'effet sirène dont j'ai commencé à esquisser la conception un peu plus tôt : leur potentiel enchanteur est tel que leur simple présence sert à situer l'action dans un monde merveilleux, où l'on ne s'étonnera ni de licornes, ni de fées, ni de princesses), une deuxième apparition sert de levier à l'action, leur intervention permettant à Peter de préparer le tour qui lui permettra de duper les pirates et sauver ses ami.e.s. Sinon, sérieux, c'est quoi ces sirènes ridicules qui nagent la brasse là ?

Du reste, de ce que j'en sais, l'adaptation de la pièce me semble assez littérale. Là ou Disney quelques années plus tard est venu lisser tout le cringe que Barrie avait fait saillir de son conte de fée, l'adaptation de 1924 se contente simplement de raconter la pièce, et tente une mise en cinématographie plutôt intéressante. Viennent se juxtaposer donc, dans un joyeux bordel me rappelant ma délicieuse lecture du roman, des sirènes en robes de paillettes, un fée clochette continuellement face à un ventilateur ambiance Céline Dion, un bateau qui vole, une ombre arrachée faite en bas nylon, Wendy qui se prend râteau sur râteau, un type déguisé en chien, un type (peut-être le même?) déguisé en crocodile, quelques très beaux plans en silhouette, une bonne pelletée de meurtres plus ou moins sanglants et un invraisemblable défonçage de quatrième mur par Peter en plein milieu du film. Le Deus ex machina je suis pas fan, mais alors quand celui-ci se matérialise par l'intervention du spectateur lui-même, je reste pantoise. L'effet de surprise, le changement brutal de ton, et le rythme par lequel le film commençait gentiment à se fondre dans l'ennui qui vole en éclats, je peux pardonner à une telle audace de servir accessoirement à masquer une faiblesse scénaristique. Endormir le spectateur en le réveillant brutalement, voilà qui frôle le génie. Par contre ce qui ne me rappelle pas du tout la lecture du roman, c'est le patriotisme improbable des gamins, surtout quand ceux-ci sortent d'un bouquin écrit par un anglais qui situait son action à Londres. D'où ils hissent le drapeau américain sur leur mat en chantant solennellement l'hymne national, tandis que Wendy leur sort un aberrant « we hope our sons will die like American gentlemen » ?! Hollywood, mais ça va pas de faire des trucs pareils ?!

Il me faut conclure sur le véritable point fort de ce film, qui est la performance de ses comédiennes. Puisque Peter est également interprété par une femme, le film est emporté par un casting presque exclusivement féminin, dont les rôles principaux inondent l'écran de charisme et de talent. Betty Bronson, dont les yeux noirs et le corps souple expriment toute l’espièglerie de Peter, rivalise avec la candeur de Mary Brian, parfaite dans son rôle de Wendy. Toutes deux sont âgées de 18 ans à la sortie du film. Esther Ralston, 22 ans, incarne là mère de Wendy (si, si) avec tendresse et sincérité. L'interprète du père, assez oubliable par ailleurs, est quant à lui âgé de 45 ans. Merci Hollywood. On retrouve également la divine Anna May Wong, d'origine chinoise, dans le rôle de... Lilly la Tigresse. Au top Hollywood.

Zalya
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le 7 oct. 2023

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