Peau de cochon
7.1
Peau de cochon

Documentaire de Philippe Katerine (2005)

Il est difficile de résumer cet ovni cinématographique... La chaîne Arte avait commandé un court métrage à Philippe Katerine (chanteur reconnu !), il s'est empressé ensuite de faire un long-métrage. Sans esbroufe ni montage, il a l'idée d'Un kilomètre à pied, un itinéraire en temps réel sur les traces de son enfance. Caméra tremblotante et voix essoufflée, le chanteur énumère les maisons, interroge les ruines et se souvient de ses mauvaises manies. Peau de cochon naît du même défi simple, d'apprivoiser la caméra et d'en faire un compagnon de jeu. Un jeu d'enfant qui a tout d'une affaire sérieuse, entre le vrai préparé et le faux improvisé, le quotidien qui déraille et les élucubrations de noctambules...

Le dispositif est donc limité, les séquences parfois maladroites, mais Philippe Katerine profite de son inexpérience pour provoquer l'incident et caresser l'imaginaire... Peau de cochon n'a certainement pas d'autre ambition que de saisir un vécu fantasmé, une pensée en mouvement, parfois absurde, parfois bêtement poétique... Sans le moindre scénario et armé de son seul désir de « montrer », le réalisateur parle de jalousie, de mort, de création, de mémoire et de réverbères aussi beaux que des manèges...
La première séquence sur le chanteur Dominique A en dit long sur la motivation du sujet. Philippe Katerine lui demande de faire écouter son premier album, enregistré sur une cassette à l'âge de douze ans. Drôle et émouvant, Katherine avoue qu'on décèle déjà le tempérament du chanteur... Edie, (la fille de Philippe Katerine) est une « actrice » qui raconte une histoire surprenante que Katherine déclamera ensuite comme une tirade... L'étonnante Suzanne (la nièce) "dessinatrice" de sept ans à peine, réalise des portraits plus que saisissants...
Katerine lorgne sur cette gémellité : l'enfance de ces "artistes" qui vient en découdre avec l'adulte et lui réapprend la légèreté... Ainsi, le musicien Gaëtan devient une œuvre d'art en slip, en se livrant à une séance de diapositives avec son propre corps! Philippe Katerine fait coucou aux voitures du haut d'un pont, et révèle enfin le secret de sa fragilité...

Katerine réalise une opération à cœur ouvert qui sauve de l'oubli, des états de grâce... Une sorte de journal intime ancré d'humour et de fantaisie. Un cinéma qui échappe à toute classification, une redécouverte de l'être humain, et la certitude enfin, qu'avec très peu, on peut faire quelque chose d'énorme, et qu'il n'est parfois pas utile d'aller chercher très loin pour faire naître des sentiments profonds et une belle émotion...
Julie32
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le 23 juin 2010

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Julie32

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