Julien Keller est un jeune enseignant qui croit dur comme fer à son métier avec, chevillées au corps, cette passion de transmettre et cette volonté de changer, peut-être, des vies, de susciter des vocations. Accusé à tort de harcèlement par une élève, Leslie, le voilà pris dans un engrenage infernal où rumeurs et autres lâchetés ne feront que le précipiter davantage dans la tourmente (et d’autres avec lui), réduisant son quotidien à une souffrance continue : opprobres (révélation de son homosexualité), manque de soutien, menaces de mort… Teddy Lussi-Modeste s’est inspiré de sa propre expérience pour raconter ce récit, âpre et tendu, qui, de façon plus générale, livre le constat amer d’une institution professorale empêchée dans ses fonctions et peu armée face à la parole (la détresse) des victimes (élèves comme professeurs) ; face aux abus et autres discours de haine.

Mais il n’était pas question pour Lussi-Modeste (et pour sa coscénariste Audrey Diwan) de désigner clairement des coupables. Plutôt de signifier un ensemble de comportements, de malentendus (on reprochera même à Julien d’être, malgré lui, dans un soi-disant "rapport de séduction") et, in fine, de responsabilités communes qui ne peut mener qu’à des situations problématiques, voire tragiques (on ne pourra s’empêcher ici de penser aux assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard), qui "désanctuarisent" toujours plus, tous les jours, l’école. Face à un réel qui fonctionne désormais à l’impulsivité, à l’immédiateté (viralité des réseaux sociaux, jugements hâtifs, effet de meute…), les idéaux de Julien, un rien trop orgueilleux sans doute dans son envie de bien faire, et de faire autrement, ne feront pas le poids. Meilleures intentions 0, maux de la société 1.

Sujet fort donc, mais pour film en demi-teintes. Dommage. C’est surtout au niveau de la caractérisation des personnages, si ce n’est celui de Julien, que ça pèche : pas assez fouillée pour certains (Leslie, le compagnon de Julien, une collègue amoureuse de lui) ou trop schématiques pour d’autres (le frère violent de Leslie, le proviseur veule, la collègue revêche). On regrettera aussi une conclusion en forme d’impasse (malgré une très belle dernière scène, pour compenser) qui donne la vague impression que le film ne mène nulle part. Ou ne sait pas comment terminer ce qu’il a initié. Ou qu’il a choisi la facilité en abandonnant simplement Julien à un sort incertain, et nous à notre frustration.

Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
6
Écrit par

Créée

le 1 avr. 2024

Critique lue 39 fois

2 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 39 fois

2
1

D'autres avis sur Pas de vagues

Pas de vagues
lhomme-grenouille
5

Se rapprocher du vrai, est-ce faire du cinéma plus juste ? (Vous avez quatre heures...)

Hasards du calendrier (sûrement), il aura fallu que ce Pas de vagues sorte seulement trois semaines après La salle des profs d’Ilker Çatak.Pas de chance pour notre présent film qui, de par son sujet...

le 27 mars 2024

24 j'aime

23

Pas de vagues
Azur-Uno
7

La société aux trousses

Professeur de lettres, acteur et réalisateur, Teddy Lussi-Modeste nous offre avec ce film son troisième long-métrage, issu d'une fait réel qui lui est arrivé en 2020 : alors qu'il enseignait en...

le 31 mars 2024

21 j'aime

12

Pas de vagues
FministeLibertaire
1

Ouin Ouin

1. On a que la version des faits du mec2. Instrumentalisation de l'homosexualité3. Racisme 4. Sexisme évidemment ! Pourquoi se cantonner à des accusations de propos inappropriés et ne pas faire...

le 1 avr. 2024

15 j'aime

Du même critique

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

166 j'aime

14

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25