"I kind of enjoy it now because even after I die, people are gonna ...

... remember me forever. People are gonna talk about me for years. People in West Memphis will tell their kids stories... It'll be sorta like I'm the West Memphis boogie man. Little kids will be looking under their beds - Damien might be under there!"


L'année 2023 a été riche en films de procès du côté du cinéma français, notamment avec Anatomie d'une chute de Justine Triet orienté vers le portrait d'une femme et l'analyse d'un couple, d'une part, et d'autre part Le Procès Goldman de Cédric Kahn dédié au deuxième procès de Pierre Goldman en 1976. Pas des films qui ont leurs chances dans le top 10 des films les plus joyeux... Mais en comparaison de ce qui est montré dans Paradise Lost : The Child Murders at Robin Hood Hills, un documentaire produit par HBO à la fin des années 1990, eh bien ce sont vraiment des films pour enfants de chœurs. Le doc de Joe Berlinger et Bruce Sinofsky plonge dans une histoire particulièrement glauque et morbide, déterrée des marécages nauséeux de l'Amérique profonde, à West Memphis en Arkansas. Les deux réalisateurs ont suivi le procès de trois jeunes adolescents accusés d'un triple meurtre d'enfants aujourd'hui connu comme les West Memphis Three.


Le style et la nature profondément sinistre de ce qui est rapporté peut évoquer un autre documentaire bouleversant produit par HBO, Life of Crime 1984-2020, réalisé par Jon Alpert, qui suivait trois paumés du New Jersey camés jusqu'à l'os sur près de quarante années. Mais ici le sujet revêt une importance assez différente car il est question d'une affaire judiciaire particulièrement abominable (les corps mutilés de trois enfants de huit ans ont été découverts dans un canal de drainage) et que les images de Berlinger et Sinofsky retranscrivent depuis l'intérieur même du tribunal le déroulement du procès de trois adolescents en exposant l'étendue invraisemblable des approximations, que ce soit du côté de la police ou de la justice. S'il s'agissait d'une fiction, on évoquerait très probablement la grossièreté d'un scénario qui chargerait beaucoup trop la mule au niveau du portrait de ces institutions dysfonctionnelles et de la nature des accusations. On en est littéralement là : tout le monde semble convaincu qu'il s'agit de l'œuvre de garçons possédés par le démon dans le contexte d'un rituel satanique.


Du côté des preuves, sans plaisanter le moins du monde, on présente l'un des accusés comme quelqu'un toujours vêtu de noir et amateur de Metallica. Un autre, dont le QI est évalué à 72 et sur lequel une grosse partie de l'accusation se repose, semble avoir fait l'objet de pressions policières et d'extorsions d'aveux. Le dernier, quand on lui demande où il voudrait aller s'il est acquitté (spoiler : il ne le sera pas, en tous cas pas à l'époque du film), répond Disneyland. On nage en plein surréalisme.


Un documentaire franchement effrayant, d'abord lorsqu'on est confronté à l'abomination des meurtres (attention car la violence macabre graphique des corps mutilés ne nous est pas épargné, et à ce titre il n'est pas destiné à un large public), et dans un second temps lorsqu'on constate l'absolue dysfonction d'un procès envoyant trois ados en prison à vie ou sur la chaise électrique sur la base de témoignages pétris de doutes. On n'est pas au bout de nos peines quand on voit débarquer le beau-père de l'une des victimes, clairement le personnage le plus flippant de toute l'histoire, quand il essaie de nous faire une reconstitution des meurtres à l'endroit où ils ont eu lieu et appelant la vengeance de dieu... Et qui plus tard donnera à l'équipe du film un couteau présentant des traces de sang qui aurait pu être une pièce à conviction de premier ordre si elle n'avait pas été écartée par la police. Manifestement les techniques d'investigation locales ne ressemblent pas à ce que l'industrie cinématographique hollywoodienne a créé dans nos imaginaires. Et, plus grave, le tableau qui en résulte semble privilégier l'hypothèse d'un système judiciaire cherchant à tout prix à préserver les apparences du bon fonctionnement et ce au détriment de la révélation de la vérité. On peut difficilement faire plus glaçant en la matière.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Paradise-Lost-The-Child-Murders-at-Robin-Hood-Hills-de-Joe-Berlinger-et-Bruce-Sinofsky-1996

Morrinson
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le 17 févr. 2024

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