L'événement incontournable de l'été 2013 n'est pas une adaptation de comic book ni un reboot d'une licence eigthies ni une même une suite ou une préquelle. Pacific Rim est donc un blockbuster se basant sur un univers et des personnages originaux, une caractéristique qui devrait être anodine mais qui en devient une qualité par les temps qui courent dans le paysage autophage d'Hollywood. Plus intéressant encore, Pacific Rim puise ses racines non pas en Amérique du Nord mais au Japon puisque le film du mexicain Guillermo Del Toro se présente comme la rencontre de Goldorak et des Kaiju Eiga, les films de monstres géants popularisés par Godzilla.


Ce n'est sans doute pas un hasard si les Jaegers, les robots géants du film, sont pilotés par deux pilotes dont les souvenirs sont mis en commun. On sent la même démarche dans la création des Jaegers : Del Toro replonge dans ses souvenirs et fait appel aux nôtres pour adhérer à ce fantasme enfantin sur pellicule. Filmer un crabe géant détruisant Tokyo à hauteur d'enfant n'est pas un choix anodin, c'est sans doute la profession de foi du réalisateur. La grande force du film est donc que les vrais stars du film sont les Jaegers. La direction artistique est simplement somptueuse : les robots ont tous un look unique et réussi, mention spéciale à "Cherno Alpha" le mastodonte russe qu'on ne voit malheureusement pas assez. En face les Kaijus bénéficient du même soin, avec un design oscillant entre lézard géant et monstre de conte. Ces colosses sont parfaitement filmés par la caméra amoureuse de Del Toro, le tout servi par une photographie superbe.


Le point d'orgue de la démarche reste évidemment les affrontements entre les Jaegers et les Kaijus, difficile de savoir si Del Toro a beaucoup regarder les abominables Transformers mais il fait exactement ce que le tâcheron de Michael Bay n'a jamais réussi à faire : les bastons sont dantesques. Les déplacements, les coups, on sent littéralement les centaines de tonnes que pèsent les robots à chacune de leur action, pour une sensation de puissance palpable. On nous sert de vrais plans larges pour apprécier le spectacle et imprimer l'espace, les plans sont parfois rapides mais jamais incompréhensibles, le montage est dynamique mais ne verse jamais dans l'épilepsie, nous sommes bien dans un film et pas dans un vidéoclip. Pourtant Del Toro multiplie les difficultés : les bastons se font toutes dans le noir et sous la pluie, mais tout se passe bien. La scène à Hong Kong vaut à elle seule la vision du film, un gros bloc d'action long et fou, baigné dans une ambiance visuelle à couper le souffle où toute la générosité du réalisateur mexicain s'exprime.


Malheureusement entre deux combats de titans c'est l'ennui, voir parfois l'embarras. Alors que le film à la bonne idée de se placer dans un monde habitué aux Kaijus on passe tout notre temps dans une base militaire. L'humanité, censée pourtant être l'enjeu principal du film, disparaît donc du tableau et on se demande bien s'il y a autre chose à sauver que des militaires au grand coeur et des scientifiques de cartoon. Tout l'univers du film ne restera qu'un prétexte. Même le concept de "dérives" qui permet de lier les personnages par leurs souvenirs est complètement sous-exploité et lorsqu'il l'est c'est pour nous servir un trauma d'enfance dont on savait déjà tout depuis 30 minutes tant l'écriture pataude du film ne réserve aucune surprise ni aucune subtilité. On est tout de même content que pour une fois ce ne sont pas les USA tout seuls qui sauvent le monde, de même on se réjouit que la fin du monde ne se résume pas à la fin des Etats-Unis. La lutte est globale et Hong-Kong a autant d'importance que Sidney, Tokyo ou San Francisco. Pour le reste : tout est caricatural, prévisible et donc un peu fatiguant. Si Del Toro évite les pièges les plus rances du divertissement hollywoodien actuel (ouf, la seule fille du casting n'est pas traitée comme une pute) il garde tout de même son film très bas sous le radar de l'intelligence. Dialogues navrants, rebondissements idiots, personnages sans intérêts et clichés à tous les étages. Même lorsqu'il s'essaye à l'humour ça ne fonctionne qu'à moitié.


En effet les touches d'humour ressemblent à des sketchs insérés en supplément de la trame principale qui, elle, reste parfaitement premier degré. Contrairement à un Starship Troopers il n'y a pas d'ironie ou de recul, juste des tranches d'humour autonomes qu'on jurerait être là juste pour remplir le cahier des charges. L'aspect bande-dessiné de certaines idées n'est pas assez poussé, ou pas assez assumé. On est ni dans un pur délire, ni dans un pur film sérieux. Un ton un peu bancal avec des blagues pas toutes très drôles et des situations bêtes mais qui sont censées ne pas l'être. Le film n'existe que pendant ses bastons. Pourtant les modèles japonais de Del Toro on prouvé qu'on pouvait montrer des robots géants dans des bastons homérique tout en préservant un minimum de fond. Gundam et son contexte politique, Patlabor et ses personnages de flics attachants, Evangelion et ses métaphores religieuses. Dans Pacific Rim, rien, pas même la logique la plus élémentaire. Tout juste pourra-t'on s'accrocher au charisme naturel d'Idris Elba qui sauve son personnage caricatural grâce à son interprétation, exploit que n'accompli par Charlie Hunnam, coincé qu'il est dans son rôle de héros insipide.


Malgré toute sa bonne volonté affichée, Pacific Rim nage dans les eaux bien balisées du blockbuster lambda. Alors qu'il avait le potentiel et la possibilité de faire quelque chose d'un peu, juste un tout petit peu, ça aurait suffit, différent et/ou audacieux Pacific Rim se contente d'être un gros film ricain aussi idiot que la moyenne de ses congénères. Moins cynique, les nombreuses références geek sont bien digérées et sentent bon le vrai connaisseur par exemple, mais tout aussi bête. Vu le budget engagé et le "risque" de ne pas avoir une marque ou un acteur connu sur l'affiche c'est sans doute le prix à payer, malheureusement, pour un film dont l'ambition principale est d'installer une nouvelle licence. Reste que le spectacle est au rendez-vous, Guillermo Del Toro a toujours eu un sens visuel aiguisé (encore une fois, la photo et la direction artistique sont splendides) et on est toujours content de le retrouver, mais, bon sang, où sont passés ses cojones ?

Vnr-Herzog
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2013

Créée

le 17 août 2013

Modifiée

le 19 août 2013

Critique lue 2.1K fois

51 j'aime

6 commentaires

Critique lue 2.1K fois

51
6

D'autres avis sur Pacific Rim

Pacific Rim
real_folk_blues
8

The big Oh !

Nom d’un boulon, je sais pas par quoi commencer. Guillermo tu t’es vraiment fait plaisir. Hey Zack, j’ai vu une vraie figure messianique. Après tout, Jésus était noir, non ? Putain j’ai eu ce que...

le 21 juil. 2013

190 j'aime

65

Pacific Rim
Hypérion
7

Les Jaegers, en marche sans frémir.

Bon. Est-ce vraiment utile de faire une longue critique à propos de Pacific Rim ? Il n'y a pas de tromperie sur la marchandise, Guillermo Del Toro remplit parfaitement le cahier des charges. C'est...

le 19 juil. 2013

179 j'aime

12

Pacific Rim
guyness
4

La folie des glandeurs

Ayant pris la ferme résolution de ne plus jamais sombrer dans la facilité, j'ai décidé de vous épargner des titres simples et attendus comme: - Pacific Rim à rien. - Pacific ne Rim pas à grand...

le 12 juil. 2013

139 j'aime

140

Du même critique

Le Bon, la Brute et le Truand
Vnr-Herzog
10

Citizen Kane ? Mon Cul !

Pourquoi ce titre provocateur ? Tout simplement parce que le film de Welles arrive systématiquement en tête de n'importe quel classement des meilleurs films de l'histoire du Cinéma lorsqu'ils sont...

le 12 déc. 2010

503 j'aime

86

Cowboy Bebop
Vnr-Herzog
10

Doux, dur et dingue

Oubliez tout ce que vous savez sur la japanimation (surtout si vous vous appelez Éric Zemmour), oubliez tout ce que vous savez des dessins-animés en général car "Cowboy Bebop" est une série tout à...

le 9 janv. 2011

407 j'aime

37