Outrage Coda
6.2
Outrage Coda

Film de Takeshi Kitano (2017)

Le cinéma de Kitano pourrait presque se résumer à l’introduction paradoxale d’Outrage Coda scindant le loisir d’un côté et le travail de l’autre. Deux gangsters entrain de glander durant une pause récréative en bord de mer avant de basculer en pleine mégalopole tokyoïte au volant d’une berline noire, symbole indissociable des trois opus de la saga, exprimant le caractère impersonnelle et interchangeable de ses criminelles en costard. L’action va démarrer en Corée sur l’île de Jeju, où le yakuza déchu Otomo a choisi de s’exiler pour offrir ses services à un honorable homme d’affaire dont l’influence s’étend par-delà les frontières. Sous le soleil levant rien de bien nouveau, si ce n’est que les Sanno sont devenu les vassaux des Hanabishi et que la décadence poursuit son petit bonhomme de chemin, puisque le nouveau maître Oyabun n’a rien de très vénérable, pas de tatouage et aucun fait d’armes à mettre son actif, Nomura n’est rien de plus qu’un financier qui gère son affaire comme une multinationale coté en bourse. Son règne est d’ailleurs copieusement disputé par certain de ses Kyodaï tel que Nishido qui été initialement promis à devenir le chef du consortium. Ce dernier constitue une menace pour Nomura qui va profiter d’un incident diplomatique « mineur » d’un de ses sobriquets pour manigancer des complots et asseoir son autorité. A la suite d’une altercation dans une boîte de nuit, Otomo va se retrouver mêlé à cette guerre interne entre Hanabishi pour laquelle son patron M. Chang ne souhaite en aucun cas rentrer en conflit malgré les outrages subis. Otomo va donc choisir d’opérer en solitaire pour venger la mort de ses confrères et enfin pouvoir tirer un trait sur son passé.


D’une suite à l’autre Takeshi Kitano poursuit la logique anthropophage de sa démarche dans un éternel jeu de chaise musicale où rare sont ses personnages à faire de vieux os. Les alliances se font et se défont au gré des intérêts de chacun mais la finalité reste toujours la même et finalement assez proche d’un épisode de Game of Thrones. La seule constante demeure dans la présence du personnage d’Otomo, qui de simple pion dans le premier chapitre sera le dernier à porter les valeurs de la vieille école dans le second tout en rétribuant les transfuges de la nouvelle génération d’une vengeance expéditive. Son statut et son rapport au monde des Yakuzas vont donc évoluer et former le venin d’une haine viscérale envers cet ordre devenu amoral dont il se fera l’ange exterminateur en prenant d’assaut l’ensemble du clan et ce quelque soit le parti de ses principaux opposants dans une tuerie de masse à l’arme automatique renvoyant à l’absurdité du massacre de ses propres hommes. Force est de constater que ses mises à mort aussi violente que désopilante permettront encore et toujours à générer de nouvelles trahisons comme on le verra avec le second du clan Sanno qui profitera du chaos pour prendre la tête d’une organisation totalement anéanti dont il se retrouvera être l’un des derniers survivants. Une fois encore, son réalisateur dresse un constat réprobateur sur l’une des dernières institutions nippones hérité du ninkyôdô et désormais en phase terminale de sa déliquescence provoqué par la mondialisation. Cet esprit anarchique de chien enragé et d’auto-destruction latente trouve finalement sa quintessence dans une sortie de scène définitive, soit le suicide d'un artiste mélancolique et désillusionné qui n’a plus rien à dire ou à espérer si ce n’est à reproduire instinctivement et de manière auto-parodique ce qu’on lui a demandé de nous offrir et ce pour quoi on a fini par lui attribuer une étiquette de genre.

Le-Roy-du-Bis
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le 29 mai 2023

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