On est sérieux quand on a sept ans. Faire ce qui est juste coûte que coûte. Jeux de piste.


"Faire ce qui est juste, c’est placer la barre plus haut que la légalité des décisions et la satisfaction" de ceux qui ont l'autorité. (sur la Gouvernance d'entreprise dans www.lapresse.ca)



Je n'arrive encore pas à mettre en forme ce texte donc ce sera encore une mélange de remarques très variées que ce petit garçon m'inspire.
Il est animé d'un sens moral, d'un sens de l'amitié et sait ce qui est juste et décide donc quoi faire mais cette action rentre en conflit avec le respect de l'autorité (celle de sa mère, de ses ainés, des horaires etc.)
Il est tout petit, sans pouvoir:
"La justice sans la force est impuissante" (Pascal)
Il rencontre de forts adultes qui ne respectent pas sa mission et le ralentissent:
"La force sans la justice est tyrannique".


Plus vieux, beaucoup ce serait dit "à quoi bon?" "c'est bien bon!" "laisse tomber!"
"Fuck it!" comme dit the Big Lebowski...c'est sa réponse "à tout et tous ses devoirs" selon l'autre Lebowski.


Après Le Loup et L'Agneau de La Fontaine,
Le Cahier et L'Agneau de Kiarostami?
Il a une tête d'agneau ce gosse, avec cette coupe de cheveux et ses regards humides suppliants (voire de Lady Diana interviewée... ou un regard vers le haut de Sainte Vierge).


L'enfance, "Le temps de l'insouciance"?...vraiment?
Un petit garçon qui nous donne une leçon d'éthique?
En fait, c'est vrai qu'on se fait du soucis quand on est petit: certains appellent cela le temps de l'insouciance car ils ont la mémoire courte et leurs nouveaux soucis décrédibilisent et diminuent et minimisent avec suffisance ceux de leur enfance qui en proportion étaient tout aussi graves.
Le taux de suicide chez les enfants est encore trop élevé. En mars 2020, Le Monde m'apprenait que:



"...les passages aux urgences et les séjours à l’hôpital pour les enfants qui ont pensé ou tenté de se suicider ont doublé au cours des dix dernières années" (montant à presque 2%).
(ni tant que ça la jeunesse puisqu' il représenterait 16 % des décès entre 15 et 24 ans et 20 % chez les 25-34 ans).
L'enfance n'est donc pas "Le temps de l'insouciance"?



J'aime que ce cahier dérouté amène à l'échelle de ce petit Bilbo, Hobbit iranien, une sorte de quête à la Dongeon et Dragons et même à une sacrée course poursuite pas à cheval ni en voiture mais à pieds et en âne.
Mais où les créatures croisées et gênant la quête seraient des poules, des moutons, un taureau dans un passage étroit dévalant comme la boule dans Indiana Jones..., des chèvres et des chiens et même une robe blanche tombant comme par magie du ciel(?????)
et même un énorme buisson par ardent mais parlant.
Plus tard, un homme l'aidant enfin, est ralenti et interrompu par une vieille femme voulant absolument lui vendre des pommes (Comme la sorcière dans 'La belle au bois dormant').
Mais le vieux et sa marche sont sauvés par son "manque de dents" (il ne peut pas croquer dans une pomme).
J'ai adoré la trépidante course poursuite: le garçon essaye de rattraper et ne pas perdre un sancho panza/commerçant sur son âne. (car Il est peut-être le papa du garçon à qui il veut rendre le cahier).


Comme de nos jours, certains des adultes du film sont assez médiocres avec l'enfant.
Ils lui donnent des ordres sans être ses parents, le ralentissant.
Ils le distraient de sa tâche par des tâches subalternes et reconnues par eux-mêmes comme inutiles (le vieux qui lui demande d'aller "chercher ses cigarettes", sait pertinemment qu'il les a sur lui, mais comme tout facho ou bolcho, il distribue des tâches vaines pas pure autoritarisme?).
Pour lui c'est soi-disant une leçon d'éducation et de respect de l'autorité="La force sans la justice est tyrannique" (Pascal)


Un autre, un commerçant lui volera une page blanche du cahier: l'enfant tentera de résister="La justice sans la force est impuissante" (Pascal)


N'en déplaise à Onfray et les haters de Greta Thunberg, Ahmad est encore un enfant donnant une leçon aux àquoibonistes et c'estbienbonistes.
Beaucoup auraient abandonné à sa place.
Par exemple, Il grimpe 3 ou 4 fois la colline en passant sur ce si beau chemin en forme de Z,
Z comme notre petit courageux Zorro local.
( ce Z rappelle aussi les montées des lieux d'apparitions mariales comme à Notre Dame de la Salette?)

Combien d'adultes auraient plutôt dit, c'est bien bon, à quoi bon: l'un lui dit d'ailleurs "tu lui donneras demain son cahier".


Pour faire ce qui est juste, il désobéit ou contourne plusieurs figures d'autorité:
sa maman, son grand père, un commerçant,

Le grand père est le pire car il le ralentit pour rien, pour le principe, soi-disant pour l'éduquer. Copiant en cela son propre "professeur" en éducation d'enfant qui a été son père: un possible bourreau d'enfants macho (il raconte en effet lui-même combien il le battait régulièrement sans raison, "sans oubli", mais il oubliait son argent de poche). Et ce vieux répète cette éducation là.


Notre enfant trace quand même sa route, il poursuit sa quête, il apprend à dire non: "on a tous le choix de faire sa route (...) on a tous raison de se poser des questions de faire sa route , de faire son choix, de dire non" (chante ...Liane Foly.)


C'était un tout petit garçon déjà bien occupé quand sur ses épaules tombe cette responsabilité et ce soucis. Il doit prendre une décision et peser les conséquences de son choix sur son ami. On le voit peser le pour et le contre.
Il jongle et navigue déjà entre sa maman à aider pour de l'eau chaude, pour du sucre à aller chercher à l'étage mais il a aussi ses devoirs à faire et le berceau/hamac de sa toute petite soeur à balancer.


Un film qui incidemment illustre ligne par ligne un début de texte de Pascal croisé à l'école:



"Justice, force.
Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.
La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique.
La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants.
La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste
La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste.
Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste".



Un bon rappel que le chemin du Bien est parfois plus long et n'est pas toujours le plus facile.
Le chemin du "Fuck it" de Mr Lebowski est souvent plus facile et surtout tentant.
L'enfant est aussi poussé par le sens de l'amitié.

Allez voir ça en entreprise...


J'aime la scène où il est à bout de force.
Sans pouvoir. Pensant avoir échoué dans sa tâche.
Il ne mange plus: anxiété ou grève de la faim à la Gandhi??.
Les singes témoins d'injustice lors de distribution de nourriture inégales entre eux, cessent aussi de s'alimenter, même si servis.
Il n'y a bien que nous et les adultes contemporains qui baffrent et continuent à se goinfrer comme jamais même si entourés d'injustice et d'inégalités croissantes.


Un aspect du film que je n'ai pas encore tout compris est toute l'histoire parallèle "des fenêtres et des portes". En filigrane, il y a un phénomène de changement de fenêtres. La région est envahie de démarcheurs pour les inviter à toutes les (é)changer.
Passage de l'âge du bois à l'âge de fer (de l'industriel)??
Les gens vendent leurs portes et fenêtres faites-mains en bois localement et solides depuis des décennies et les remplacent par des "en fer durable".
Le contexte m'échappe. Est ce une histoire de vieux monde, nouveau monde??
Le dernier relais que l'enfant rencontre sur son chemin est d'ailleurs un très ancien artisan, qui marche lentement. Il lui fait une visite guidée de ses créations.
C'est encore une scène qui a sans doute été superbe sur grand écran au cinéma: on dirait une crèche de Noël éclairée. Les rues du village au soir tombant deviennent église et les vitraux des fenêtres de maisons habitées colorent les murs opposés.


(Ajout 16/04/2021: je viens d'entendre que selon le scénariste Jean-François Halin, le film aurait été 'découvert', sauvé et surtout soutenu et mis en avant par l'auteur, réalisateur et critique français Serge Daney).

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le 28 juil. 2020

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PierreAmo

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