En sortant de la projection d'Oppenheimer, j'ai vraiment ressenti un sentiment ambivalent, sans trop savoir si j'avais aimé ou détesté ce que je venais de voir. Sentiment d’ambiguïté qu'on peut rapprocher de manière analogue au personnage d'Oppenheimer dépeint selon Nolan.


Tout d'abord, le film est formellement assez mauvais voire presque indigeste. Les plans ne durent pas plus d'une ou deux secondes empêchant toute lecture correcte des situations, et obligeant à une concentration assez forte avec les sous-titres à lire en même temps. Et surtout ce ne sont ni plus ni moins que de bêtes champs/ contre-champs. Quand on inflige presque 3h de dialogue à son spectateur, on aurait pu réclamer un peu plus d'audace. La mise en scène connaît heureusement quelques petites fulgurances : le discours où Oppenheimer voit son public américain partir en lambeau ou en cendres et se rend enfin compte des dégâts qu'il a permis, est par exemple vraiment très réussi. Le film a d'ailleurs l'élégance et l'intelligence de ne jamais montrer d'image choquante ou violente. Pas de véritable plaidoyer anti-guerre ici par des images crues, même si le film affiche les dangers de la bombe nucléaire tout de même avec ses dernières images.


L'utilisation de la musique est-elle aussi un sacré naufrage. Déjà que le film ne fais pas grand chose pour rendre ses situations et dialogues intelligibles, on rajoute au spectateur des violons, des nappes, des montées de cordes dignes d'un requiem à la moindre scène anecdotique. Pendant tout le film, je n'ai pu m'empêcher de me dire que cette musique omniprésente était toujours là pour rattraper ce que le film n'arrive jamais à créer par lui-même, l'émotion.


Enfin le rythme est lui aussi problématique. Une construction en labyrinthe qui n'apporte finalement pas grand chose au récit. Malgré la performance vraiment réussie de Robert Downey Junior, on se fiche pas mal de ce qui arrive à ce personnage. Son élection ratée n'étant finalement là que pour nous donner la satisfaction de voir le "méchant du film" se prendre les pieds dans le tapis. La galerie de personnes/personnages est finalement un peu trop grande, et un peu fade : on a du mal à voir l'utilité du rôle de certains. D'autant plus que beaucoup sont campés par des stars (Matt Damon, Rami Malek, Gary Oldman), et rayonnent malheureusement plus que leurs personnages nous faisant sortir du film instantanément. Enfin, les rôles féminins ne sont pas très importants, voir inutiles, et ne servent qu'à mettre en valeur le personnage d'Oppenheimer. Un grand classique du cinéma, mais toujours triste à voir en 2023.


Et pourtant, Nolan ne loupe pas complètement son film. ll parvient vraiment à donner corps à ce sentiment de responsabilité scientifique sur leur création. Le flou entretenu autour du personnage d'Oppenheimer est assez réussi. Chacun y verra soit une hagiographie ou un procès à charge du créateur du projet Manhattan sans que l'on puisse réellement ressortir avec l'impression d'un monstre ou d'un génie. Le film prend le parti d'une complexité pour rendre compte d'une période historique complexe, ce qui est tout à son honneur, malgré l'indigestion que cela créé pendant le visionnage.


Un Nolan plus riche, et plus intéressant que son dernier Tenet mais qui rate le coche du film prenant et bien filmé, pour cocher celui du film raté mais qui ne laisse pas indifférent. A voir quelle option est la meilleure finalement.

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le 16 sept. 2023

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Hunkydorus

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