Ritchie fait Fortune

Qu'espérer d'un énième film mettant en scène une bande d'agents envoyée aux quatre coins du monde pour mettre la main sur une arme convoitée par les pires criminels ?

Face aux galipettes toujours plus improbables d'un Tom Cruise/Ethan Hunt qui règne en maître sur la catégorie depuis des années, pas grand chose, sinon peut-être tout simplement une bonne dose de fun ou qu'un réalisateur s'empare de ce type de divertissement d'action pour lui imprimer sa patte et parvienne à en tirer un long-métrage au ton quelque peu différent.

Après récemment un Michael Bay qui y avait mêlé ses obsessions de taureau déchaîné en pleine foire de la porcelaine (l'épuisant "6 Underground") ou un Simon Kinberg qui avait misé sur un cast féminin pour renouveler la formule (ça n'a pas suffi à rendre "355" un tant soit peu mémorable), c'est donc au tour d'un autre nom connu, Guy Ritchie, de s'essayer à cette mission presque impossible avec l'aide de son vieux compère Jason Statham devant sa caméra.

Et, grâce à sa seule séquence d'ouverture littéralement rythmée au pas de son recruteur en chef, "Operation Fortune" est d'emblée imprégné de la coolitude british de son réalisateur où les bons mots fusent afin de donner du peps aux passages obligés du genre, tournant même en dérision les gimmicks scénaristiques autour des inévitables phases de sélection de l'équipe, la désignation de l'ennemi et de l'arme à récupérer, comme ce nuage de mystère artificiellement entretenu sur des éléments en réalité très simples (l'item en mode MacGuffin de "La Poignée" par exemple) pour maximiser le danger et passer à l'action le plus vite possible.

Ce regard amusé sur ce type de divertissement et sur le cinéma en général va évidemment se prolonger avec l'enrôlement d'une star hollywoodienne risible dans cette "Operation Fortune" mais le film va surtout plus généralement insuffler une verve espiègle au sérieux habituel des diverses infiltrations puis confrontations directes vécues par ses protagonistes. Avec la très bonne idée d'une concurrence en embuscade et des choix de casting que l'on peut franchement qualifier de parfaits (Hugh Grant en trafiquant séducteur, Josh Hartnett en acteur neuneu, Cary Elwes en chef d'une résilience invraisemblable), et ce même quand d'autres apparaissent un brin trop évidents dans leurs rôles (Jason Statham ou Aubrey Plaza maîtrisent tellement bien ce type de personnages aussi), "Operation Fortune" ne réinvente bien entendu pas la formule, tombe même parfois dans certains de ses pièges avec son déroulement aux coups fourrés prévisibles ou a du mal à rivaliser avec l'aspect bien plus spectaculaire de certains de ses confrères (le versant du film où Guy Ritchie se montre clairement le moins créatif), mais il l'applique à sa sauce légère avec un réel savoir-faire, faisant des sympathiques excentricités et de l'ironie de ses personnages le moteur de cette chasse à l'arme ultime où, il faut bien l'avouer, on sourit beaucoup en leur compagnie (mention spéciale au trio "amoureux" du trafiquant, l'acteur et sa petite amie).

Bien rythmé et maîtrisé dans ce qu'il entend procurer comme situations décalées au spectateur, "Operation Fortune" ne marque peut-être pas un point culminant de la filmographie de Guy Ritchie mais, à l'aune d'autres longs-métrages du même type qui n'arrivent même plus à divertir un minimum, l'opération menée par Orson Fortune et ses acolytes remplit sa part du contrat en la matière.