Là où le premier Ong-bak ne savait pas où se placer entre film d'arts martiaux pur et sentimentalisme encore balbutiant, La Naissance du dragon part à fond dans les deux directions et, en assumant la dimension épique de son intrigue, vire dans une voie certes peu qualitative qui sait au moins ce qu'elle veut. A mi-chemin entre le drame familial, l'histoire d'amour impossible, le héros déchu et la quête de rédemption, il n'hésite pas à piocher des idées dans le box-office américain, histoire de bien marquer le coup et de toucher dans ce qui lui plaît un public international cible.


Paradoxalement, Europacorp, qui a visiblement compris qu'on ne détruit pas la soundtrack d'un film d'une autre culture, s'est fait plus discret et laisse à cette histoire d'antan le bénéfice d'une bande-son portée sur l'épique, les chœurs et les grosses envolées dantesques : sur une histoire du XVeme siècle, il faut avouer que leur hip-hop techno aurait été de très, très mauvais goût. Mais cela ne suffit pas.


Parce qu'Ong-bak s'est perdu : l'arrivée de Tony Jaa à la réalisation (une première pour lui) plaçant à la base le spectateur dans une drôle de curiosité le fait rapidement déchanté sur les capacités de narration de cet artiste, finalement bien plus cascadeur qu'acteur. Si l'on ne comprend pas de suite l'intérêt de placer l'intrigue des siècles avant le premier volet (n'aurait-il pas été plus intéressant d'approfondir ce personnage principal que l'original avait à peine présenté?), on se rend rapidement compte, à l'absence d'originalité de l'intrigue et d'homogénéité narrative, que c'est bien plus parce qu'il ne savait plus qu'apporter d'autre à l'univers du volet d'origine.


Reprenons tout de zéro, donc, avec un volet qui fait presque office de remake (et qui, pour le coup, aura droit à une suite) : Tien, que Tony Jaa interprète avec un excès désarçonnant, est épris d'une tentative de développement de personnage qui vous en donnerait presque le sourire au coin de la joue. On sait d'où il vient, on connaît ses motivations, ses liens avec ses proches, avec ses ennemis, ses objectifs dans la vie, l'origine et le but de sa quête.


On sait tellement de choses en trop peu de temps que La Naissance du dragon n'évite pas le piège du mélodrame et du pathos, tant il prend presque instinctivement la direction du larmoyant (dès son introduction calquée sur le 300 de Zack Snyder) et n'hésite pas à nous assommer de noms, de flashbacks horriblement insérés et de dialogues forcés sur la destinée, les malédictions et l'honneur qui doit être le fer de lance de la vengeance.


Et l'on remarque à contrecoeur que tout cela se prend bien trop au sérieux, tellement que le film oublie, comme son prédécesseur, son but premier : la bagarre, la vraie. Si l'idée d'enfin mieux développer les personnages, de leur donner du relief par des enjeux sérieusement traités faisait envie sur le papier, il faut reconnaître que son exécution maladroite et stéréotypée fait passer La Naissance du dragon pour une œuvre qui se pense de qualité, sérieuse et aboutie et priorise ses grands moments pathos (bourrés de sacrifice, d'adieux larmoyants sous la pluie qui coule sur la boue) avant ses combats encore très bien chorégraphiés.


Des combats réussis, toujours très bien exécutés par notre voltigeur de génie, qui pourtant pâtissent d'un montage abominable, haché, coupé au couteau, et d'une photographie qui reprend encore une fois 300, en parvenant à être encore plus monochromatique que le film de Zack Snyder, et tout en multipliant les couleurs saturées, gâche toutes les tentatives de Tony Jaa de styliser un minimum ses angles et ses prises de vue.


Rien de bien fou sous le soleil, vous l'aurez compris : si La Naissance du dragon assume enfin son délire et propose quelque chose de mieux construit et de plus complet, force est de constater qu'il ne sait ni s'arrêter dans son délire ni discerner l'émouvant du pathos. A la limite du pompeux dans sa façon excessive de se prendre au sérieux, il est donc plombé par un montage qui manque de sens, une photographie horriblement simpliste et inesthétique, des emprunts trop récurrents au cinéma américain (en plus des flashbacks de The Blade), une écriture trop poussée dans le mélodrame, une mise en scène qui se cherche encore et des dialogues horriblement stupides qui se croyaient, c'est bien malheureux, d'une profondeur presque philosophique.


Restent les combats et Tony Jaa, qui valent encore le détour. On ne dira plus la même chose au moment d'évoquer le troisième volet, qui marque l'irrémédiable disparition de la franchise; à voir le désastre, c'était la suite logique des choses.

FloBerne

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