Une Reduction de la cohérence pour un Redoublement de fan service

Un film One Piece est toujours un événement, parfois trop conséquent pour certaines salles, dans la communauté manga/animé. L'univers créé par Oda continue de passionner les foules et presque deux ans après Stampede et son fan service illimité, l'annonce d'un film centré sur le charimsatique et mystérieux Shanks le Roux avait fait grand bruit. Un film One Piece allait enfin avoir une vraie importance dans l'univers et une certaine originalité jusqu'au moment où la vérité est tombée : One Piece Red serait en réalité un long-métrage mettant en scène la fille de l'Empereur roux. Une douche froide donc mais pouvons-nous vraimment attendre plus qu'un bonus pour ce format ? C'est en tout cas comme cela que je le vois d'autant plus qu'il dépasse rarement le stade de divertissement efficace. La hype était donc peu élevée, les premiers retours l'ont confirmé. Le constat ne sort pas de l'ordinaire : nous avons encore affaire à un film agréable à regarder mais anecdotique quand elle n'est pas plombante pour le travail d'Oda.

Légers spoils

Fervant lecteur du manga, l'animé m'est presque inconnu. J'ai pourtant eu écho de certains défauts d'animation. Force est de constater que ces défauts se reproduisent au cinéma. La technique est très inégale et si elle évite les plans laids en 3D de Stampede, certains plans larges ou semi-ensemble nous montrent des personnages, pas seulement des figurants, sans visage. Ces égarements côtoient heureusement des passages plus impressionnants à l'occasion des techniques de combat des personnages ou des gros plans plus détaillés.

Le dessin n'a jamais été la plus grande qualité de One Piece donc on peut encore faire l'impasse. L'univers en revanche est une autre paire de manches, s'il y a bien une qualité à retenir du manga à retenir en plus des personnages, c'est son univers d'une richesse incomparable tout droit sorti du cerveau de son créateur de génie. C'est donc toujours un plaisir de s'y replonger et de passer un moment aux côtés de ces personnages plein de fantaisies. Le principal souci que j'ai avec les longs-métrages de la saga est qu'ils sont canon. Cela impose ainsi des problèmes majeurs de cohérence. Commençons par le plus signifiant : Shanks le Roux a une fille depuis le premier tome et on ne l'a jamais évoquée ? Uta sort d'absolument nulle part, le foreshadowing d'Oda est brillant alors voir intervenir une telle chose après un millier de chapitres étonne énormément.

Le cinéma semble être un prétexte pour un fan service dégoulinant et ce Red nous le prouve. Quand il s'agit de simples clins d'œil à l'image de la naissance de la volonté de Luffy d'avoir un musicien parmi son équipage ou la posture de Shanks qui ressemble à celle qu'il a quand il remet son chapeau au futur roi des pirates tout va bien mais quand il fait revenir des personnages tout va mal. Je ne peux pas croire que la rencontre de tous ces personnages n'aura aucune influence sur la suite du manga, j'ai du mal à me faire à l'idée qu'il s'est passé cela entre deux arcs (même si je ne suis pas à jour, c'est peut-être justifié à la fin de Wano Kuni). Le fan service arrive même à paradoxalement desservir l'œuvre originelle en mettant Shanks et Luffy face-à-face, ce qui va amoindrir l'impact de leurs retrouvailles.

Critiqué en masse par la communauté, l'aspect musical du film partait d'un postulat intéressant. Il en est de même pour Uta qui se révèle être l'antagoniste, permettant alors au métrage de sortir du schéma classique des différents arcs du manga (l'équipage débarque sur une île où il se passe des choses sombres à cause d'une sorte de dictateur). Les deux sont malheureusement baclés par certains choix d'écriture ou de réalisation. Les séquences musicales sont entraînantes mais interrompent trop souvent le rythme de combats qui se devaient d'être intenses, le même reproche peut être fait envers les flashbacks. On arrive au point où on se demande si on est devant un clip ou un film One Piece tellement les passages musicaux peuvent dévier. Pour ce qui est de l'antagoniste Uta, on comprend rapidement ses motivations mais plus les retournements interviennent et plus on arrive à penser que c'est juste une bouffonne (il n'existe pas d'autres termes pour la définir), après avoir pris conscience qu'elle était en tort elle a continué de rejeter la faute sur les pirates, si ça ce n'est pas une attitude ingrate...

La cohérence fait également tâche au sein du film. Même après de nombreuses explications le fruit du démon d'Uta manque de précisions : Pourquoi n'a-t-elle pas un contrôle total du monde du chant ? Le Haki de l'observation semble trouver des capacités improbables quand Katakuri arrive à percevoir ce qu'il se passe dans un autre monde. La connexion entre Usopp et Yasopp n'a aucune explication, un tel pouvoir n'a jamais été mis en place par Oda. Enfin la thématique du fanatisme jamais abordée auparavant est notable mais se perd rapidement au profit de combats démesurés, idem pour celle de la paternité pourtant si bien mise en forme tout au long du manga.

One Piece Red n'est pas décevant car à partir du moment où toutes ces aventures qui ont pour seul but de faire crier ou applaudir les fans sont canon, la cohérence ne suit plus. Il faut alors faire abstraction des déclarations d'Oda et voir cette œuvre comme un bonus qui nous permet de profiter de la prestance du panel des personnages imaginés par l'auteur. Malgré tous les défauts considérables, il est difficile de gâcher son plaisir en compagnie de toutes ces légendes. Ce long-métrage m'aura au moins donné envie de relire l'entièreté du manga et conforté à l'idée que la Terre va trembler le jour où Shanks aura une présence plus importante.