On the Rocks
5.8
On the Rocks

Film de Sofia Coppola (2020)

Obviously, Doctor, you've never been a 50-year-old woman

j'ai un peu de mal à trouver de l'intérêt à ce film, tant il est ordinaire et lisse. plus généralement, je perds l'intérêt que je vouais au cinéma de Sofia Coppola lorsque j'étais ado (avec Somewhere en tête, qui reste d'ailleurs son seul film que j'aime vraiment). Alors autant vous le dire de suite, On the rocks ne casse pas trois pattes à un canard. Mais étrangement, il se dégage des autres par sa grande simplicité.


C'est peut-être parce qu'il ne met pas d'adolescente morose en scène mais une femme amoureuse, autrice et mère de famille. En devenant adulte, j'ai appris à consommer d'autres problématiques, d'autres sujets m'intéressent et je suis contente de voir Sofia Coppola s'aventurer et réaliser des films plus sérieux. Je n'ai pas trouvé le film profondément comique, même si cet aspect ne relève que du personnage de Bill Murray et de son côté "je m'en foutisme". J'ai trouvé au contraire que le contraste entre la gravité de la situation et sa manière à lui de l'appréhender était justement bien fait. S'il n'avait pas été un personnage aussi nonchalant, le film serait tombé dans une mélancolie répétitive et chiante (disons-le). Pour l'heure, le tout fonctionne comme un film fataliste et c'est beaucoup mieux comme ça. D'emblée, on a quelque chose de beaucoup plus mature que dans les autres films de S. Coppola, beaucoup moins naïf aussi bien sur le fond que sur la forme. Ici, pas de palette pastel, le film s'enfonce dans une tonalité grisâtre, dé-saturée, terne et sombre (j'ai même vérifié plusieurs fois mes paramètres de luminosité et contraste, c'est dire). Mais par moment se dégagent des couleurs, le rouge affriolant de la voiture de Murray ou bien le jaune poussin de la robe de Jones, lors de son escapade au Mexique. De gros nuages gris urbains suivent méticuleusement Rashida Jones, qui influencée par les discours très clichés de son père, croit que son mari la trompe. L'image est bien pensée, et même si cette histoire de lumière m'a dérangé et bien j'ai trouvé ça plaisant.


En fait, c'est comme si Sofia Coppola avait appris à se passer de ses artifices qui jusqu'à présent faisaient sa marque de fabrique : une réalisation sucrée, naïve (oui, sans être méchant ce mot correspond vraiment à son cinéma pour moi), douce et mélancolique dans lesquelles évoluaient des enfants fragiles aux âmes en peine.


Tout en tutoyant la solitude comme thème phare de son film (encore une fois), Coppola nous fait vivre brièvement l'évolution d'un couple avec comme idée première de montrer le dur travail que demande le mariage. Mais ce n'est qu'un prétexte et on oublie rapidement cette histoire conjugale pour s'intéresser à la relation père-fille, qui connait un climax étonnamment émouvant vers la fin du film. Côté casting, je suis joie. Bill Murray a le jeu facile, je ne sais même pas s'il se fait encore diriger sur ses tournages mais si oui, Coppola l'utilise à merveille. Son rôle en revanche, est rapidement irritable et comme le lui dit Rashida Jones à la fin du film, on se demande vraiment comment elle peut avoir une relation avec lui. Quant à Jones, justement, elle mériterait d'avoir davantage de rôle dans des productions de la sorte et je suis ravie qu'elle ait eu sa chance ici. Je la trouve excellente dans ce registre, dans ce rôle de femme qui ne s'apitoie pas sur son sort mais qui veut par tous les moyens comprendre et arranger sa situation. Son rôle est plaisant sur ce point, c'est une femme réfléchie, humaine et rationnelle (même si elle se laisse facilement influencer par son dandy de père). Ca change des rôles clichés des femmes trompées ou croyant l'être, qui s'enroulent dans un plaid avec un pot de glace et ses meilleures amies qui la rassurent.


C'est dommage que le contexte ne soit pas propice à diffuser/promouvoir des films, car celui-ci mériterait qu'on s'y intéresse de plus près tant il symbolise à mes yeux une nouvelle étape dans la carrière de la cinéaste. On the rocks n'est pas mémorable, mais il est de loin le film le plus intéressant livré par Sofia Coppola depuis longtemps. C'est un bon film pour qui rejetterait le cinéma trop rose de Coppola et chercherait à découvrir plus de profondeur à la femme et cinéaste qu'elle est devenue aujourd'hui.


Petit apparté: je me fais peut-être des films mais outre sa manière de figer ses personnages dans une métropole, j'ai trouvé que sa manière de filmer la ville était très Lost in translation-like. Comment comprendre cela? est-ce une manière d'accomplir son Œuvre toute entière en refermant la boucle du cycle? ou alors, est-ce un retour aux sources pour mieux en montrer l'évolution qu'elle a réalisée en tant que cinéaste? Je ne sais pas trop comment interpréter la chose. Si vous avez un avis, n'hésitez pas, je lirai avec attention :-)

Créée

le 14 janv. 2021

Critique lue 158 fois

1 j'aime

cforcarlitta

Écrit par

Critique lue 158 fois

1

D'autres avis sur On the Rocks

On the Rocks
EricDebarnot
3

Shaken, not stirred !

On a coutume de faire un bien mauvais procès à Sofia Coppola : celui d'être seulement une "fille de...", une nantie vivant dans un monde de luxe loin de la réalité, seulement capable de filmer cet...

le 11 nov. 2020

18 j'aime

2

On the Rocks
morenoxxx
5

Vous êtes mignons mais... vous servez à quoi?

C'est l'un des premiers films produits par Apple avec le studio A24 et pour tout vous dire, c'est vraiment dommage, mais pas spécialement à cause du mode de fabrication du film. Enfin Apple, j'ai pas...

le 17 oct. 2020

10 j'aime

On the Rocks
pilyen
4

Trop tiède

La chiquissime Sofia Coppola est de retour sur....petit écran. Les fans devront prendre un abonnement à Apple TV pour pouvoir admirer cette nouvelle oeuvre(tte) vraiment taillée pour les soirées...

le 31 oct. 2020

8 j'aime

Du même critique

Captive, tome 1
cforcarlitta
1

critique d'une libraire furibonde

Par où commencer. Peut-être par expliquer un concept de "conscience professionnelle", cette petite voix qui, lorsque je croise des mamans (ou des trop jeunes adolescentes) qui me demandent "où est-ce...

le 12 févr. 2023

17 j'aime

8

Kidding
cforcarlitta
8

Every pain needs a name

Je profite de la puissance du S02E02 pour ENFIN rédiger une critique sur l'excellente Kidding, série sur laquelle j'ai pu rédiger tout un dossier à la fac, dans le cadre d'un TD sur l'intime (et je...

le 10 févr. 2020

15 j'aime

2

Wonder Wheel
cforcarlitta
7

Critique de Wonder Wheel par cforcarlitta

7, c'est avant tout pour le plaisir que j'ai eu d'admirer ce film. Une palette de couleur exceptionnelle, une photographie super soignée, ce qui n'est pas si récurrent que ça chez Allen... Dès le...

le 1 févr. 2018

15 j'aime

1