Old Stone
6.8
Old Stone

Film de Johnny Ma (2016)

Old Stone (2016) – 老石 / 80 min
Réalisateur et scénariste : Johnny Ma - 马楠
Acteurs principaux : Chen Gang - 陈刚
Mots-clefs : Chine ; Canada ; Taxi ; Thriller lent.


Le pitch :
Suite à l’accident qu’il a involontairement causé, un chauffeur de taxi décide d’accompagner la victime à l’hôpital. Selon la loi, il se retrouve alors financièrement seul responsable de ses frais médicaux. Pris dans un engrenage bureaucratique qui le mènera inévitablement au gouffre financier et au surendettement, il en vient à considérer des solutions extrêmes pour s'en sortir.


Premières impressions :
Retour aux affaires ! Après six mois sans écrire la moindre ligne je reviens à cette routine structurante d’écrire mes petites bafouilles d’après visionnage de films asiatiques. Je n’aurais probablement pas la même régularité que lors des trois années passées mais j’espère vous partager mes impressions de façon régulière. Pour s’y remettre j’ai choisi Old Stone, le premier long métrage du réalisateur sino-canadien nommé Johnny Ma. Né à Shanghai, arrivé à Toronto à l’âge de dix ans, diplômé de l’université de cinéma de New York, le réalisateur remporte le prix du meilleur premier film canadien au Festival international du film de Toronto en 2016, une récompense assez inattendue pour un film qui n’aurait pas dû voir le jour sous cette forme « asiatique » car tournée « par défaut » en Chine. C’est qu’à l’origine Johnny Ma avait en tête de tourner un drame social en Amérique du Nord et ce n’est que faute d’investisseurs convaincus qu’il dû se tourner vers son pays natal et inclure une dose de film de genre pour obtenir les fonds.


Old Stone narre la longue descente aux enfers d’un chauffeur de taxi, Lao Shi, dont la destinée bascule pour avoir été trop honnête et sauvé la vie d’un homme plutôt que d’attendre les secours. Comme le veut la société chinoise, celui qui porte assistance à un blessé en devient le responsable. Parce qu’il n’a pas suivi les procédures, ce qui aurait sûrement tué la victime, son assurance refuse de prendre en charge l’accident et Lao Shi plonge dans les difficultés financières. Bref, un film cynique, un drame qui flirte avec le thriller, un film qui aurait pu nous plonger dans les tréfonds de l’âme et remettre en perspective le bien fondé (ou non) de sauver son prochain, mais surtout un film qui ne m’a pas convaincu du tout, du tout, du tout.


Le plus gros souci du film réside dans son héros, un type qui subit en restant complètement passif et inexpressif tandis que sa vie se délite. Or, quand la moitié des plans d'un film sont fait sur un type sans émotion ni communication, le film devient soit génial, soit chiant et ici, c’est plutôt la deuxième option que j’ai ressenti. En fait, j’aime plutôt les films où les personnages sont peu expressifs mais dont on comprend les sentiments par la subtilité du jeu ou du montage comme dans In the Mood for Love de Wong Kar-wai. Hélas Johnny Ma fait un choix anti-subtil en nous montrant grossièrement des plans de paysages représentant les émotions de Lao Shi. Ces plans sont assez mal intégrés au film lui-même car sans réel lien avec le paysage de l’action et ne doivent leurs existences que parce que les guides ont insisté sur « les belles images » pouvant être faites dans ces bambouseraie ayant déjà servie de décors pour Tigre et Dragon.


Si on comprend que le réalisateur essaye de traduire en image la montée de la colère et du désespoir de son héros, cela ne se traduit pas par grand-chose dans les comportements, comme si le type n’évoluait pas, et ça c’est un problème un personnage qui n’évolue pas. Alors oui, Lao Shi finira par se « rebeller » et essayer de prendre sa vie en main en toute fin de film, mais la scène ne m’a pas marqué comme elle aurait dû, là encore à cause d’un choix de réalisation qui ne marche pas. Lors de cette scène de fin, le chauffeur Lao Shi explose. Elle est censée être l’apogée de l’émotion, le moment de la cassure qui justifie le manque d’expression de tout le film, la scène finale où le spectateur doit se poser la question centrale de sa propre humanité, mais qui ne m’a hélas pas sorti de ma léthargie… Si la fin est noire, le montage manque d’émotion primaire, la caméra reste loin du protagoniste et les cuts sont fait une bonne seconde en retard, pour le dire autrement, le spectateur voit tout venir et ne peut pas être surpris par l’action qui elle, se veut brutale.


Pour conclure, Old Stone est un film peut-être trop audacieux que j’aurai oublié dans deux mois. Je garderai tout de même un œil sur l’acteur Chen Gang qui attire l’œil de la caméra malgré tout et qui a le potentiel pour jouer des rôles complexes. Sachez pour information que le prochain film de Johnny Ma est une co-production franco-chinoise via la maison de production House on Fire qui a produit entre autre The Road to Mandalay du taiwanais Midi Z, Beijing Stories (que j'avais beaucoup aimé) de Pengfei Song ou encore Argent Amer de Wang Bing. Un bon signe donc pour un projet déjà soutenu par le Festival de Rotterdam (IFFR) et qui devrait se concentrer sur le propriétaire d’une compagnie d’opéra traditionnel de Chengdu, devant se battre contre la destruction imminente de son théâtre. Pour les curieux, Old Stone existe en DVD/BR ou peut se voir tout simplement sur Outbuster.

GwenaelGermain
5
Écrit par

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Créée

le 7 juil. 2018

Critique lue 408 fois

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