Le film pourrait être un documentaire froid et réaliste : Jyoji, superbement interprété par Yûya Uchida incarne un petit rocker maudit, mauvais père, mauvais époux, inapte à se soucier des autres, misogyne et obsédé, loser même au jeu et incapable de saisir sa chance de devenir une star. Et pourtant, on ressent grâce au travail du réalisateur son charisme et l’attractivité qu’il dégage auprès de la gente féminine. Les parties musicales, qu’elles soient sous forme de karaokés minables ou de vrais concerts sont de magnifiques contrepoints à la médiocrité de ce triste individu. La force du film tient également à l’accent mis sur l’entourage de ce rocker, le manager et ami (Rikiya Yasuoka), l’épouse (Moeko Ezawa) et surtout ces deux maîtresses que tout sépare et qui se rapprochent.
La « régulière », l’hystérique et naïve Yoshie (Yuriko Sumi, 2 films en tout, et qui ici n’est pas toujours convaincante surtout dans les dialogues) en vient à se prostituer pour ses beaux yeux. La « nouvelle », l’infirmière Yoko, quasi-violée, plus lucide mais accrochée à ce maudit est parfaitement interprétée par Reiko Nakamura (12 films dont « La Piscine Sans Eau »). Leur relation chaotique autour d’un absent les fait se rapprocher pour aboutir à une jolie scène de lesbianisme. Nous retrouvons avec plaisir, même pour un personnage secondaire, la superbe Ayako Ohta une nouvelle fois violée.
Le scénario d’ Haruhiko Arai est parfaitement équilibré. On avait déjà apprécié son travail de scénariste dans « La Femme Aux Cheveux Rouges » et moins comme co-réalisateur dans « Gushing Prayer: A 15-Year-Old Prostitute ». La réalisation est signée Tatsumi Kumashiro, faiseur expérimenté : 37 films dont Sayuri strip-teaseuse (1972), Les amants mouillés (1973), Le rideau de Fusuma, Le sentier de la bête, L’homme-femme, La femme aux cheveux rouges (1979), Pleasure Campus, Secret Games, Black Rose Ascension, Wet Lips. Son regard sur ces personnages, sur leur monde avec ces trains qui passent, est réaliste sans exclure de la bienveillance sur ces humains qui se débattent avec la vie. Sans effet de manche, sa caméra est là où il faut. Le montage donne la vivacité à ce film d’1h22.
Oh, Women! A Dirty Song est un pinku réussi, vif et chaud, réaliste sans misérabilisme que je ne peux que conseiller vivement.