Pourquoi ce film est-il si tièdement reçu ?

Il me paraît au contraire être un intéressant compromis entre création, audace et hommage respectueux à un genre. Les décors désertiques sont superbes et les machines volantes très réussies, elles rappellent celle de 2001, l'indémodable film de Kubrick. Le film accuse une lenteur presque hypnotique dans le développement de son histoire : on ne sait pas trop où nous sommes emmenés pendant la première heure, où on apprend que la Terre a été a moitié détruite dans une guerre extraterrestre et que les survivants vivent désormais en orbite en attendant d'aller sur un satellite de Saturne. Le quotidien des agents de nettoyage de luxe que sont Tom Cruise (toujours aussi jeune, beau et convaincant - je n'aurais pas cru) et sa partenaire rousse permet à la première moitié du film d'être assez fascinant : on suit avec intérêt les déambulations terrestres de Cruise, son quotidien de réparateur et les dangers qui le guette (on sait qu'il sera forcément attaquer mais on se laisse prendre au jeu du chat et de la souris, en tentant de savoir qui sont ses ennemis). Deux très beaux moments : la piscine transparente et suspendue, moment sensuel et mystérieux sur les relations qui unissent les deux collègues de travail, et le havre de paix terrestre dans la forêt, où Cruise célèbre son passé perdu en écoutant Led Zeppelin en vinyle (ce film sait comment me séduire, oh oui).

Et puis un événement dans le scénario change la donne et notre intérêt est décuplé : qui est cette femme dont il rêve et qui s'écrase sur Terre ? Qui sont ces mystérieux ennemis extra terrestres, sont-ils vraiment des ennemis ? Pendant une bonne demi-heure le film est dans un entre deux, pose plein de questions, soulève beaucoup de mystère; tant que celui-ci n'est pas dévoilé le film reste passionnant et splendide : les images, poétiques, suggèrent la force de deux films de Tarkosvki, ici référence évidente, à savoir Solaris et Stalker. L'esthétique de la ruine, la réflexion sur le nucléaire et sur la "zone" interdite, le combat de Cruise contre son double et ce qui nous semble être des hallucinations. Par un tour scénaristique très malin, on comprend ensuite l'ampleur de la méprise : la manipulation est belle et crédible, il est difficile pour un spectateur immergé de remettre en cause la validité de l'univers qui lui a été d'emblée présenté, mais une fois ce geste effectué on voit les choses d'un tout autre angle et on ré-envisage le film et ses personnages. La suite est peut-être moins réussie, avec trop d'affrontements spectaculaires et moins de questionnements métaphysiques, mais le dernier voyage dans l'espace, mortifère, prend des allures de contes philosophiques et refait toucher le sommet au film : son adieu à sa belle ressemble à un Blanche Neige inversé et futuriste et le sacrifice du personnage est dans un premier temps déchirant. Son affrontement avec un dieu extra terrestre robotique rappelle évidemment HAL 9000 de 2001 et le scénario réserve encore deux ou trois belles surprises au spectateur, touché, ému et ébahi.

Il y a là un cinéma ambitieux, honnête et bien exécuté, fait par quelqu'un qui aime sincèrement la science fiction et ne cherche pas à partir dans des délires vaseux et baroques comme le récent Cloud Atlas (énorme soufflé de déception), la musique de M83 est toute indiquée pour un voyage inspiré et inspirant, bref ce film est vraiment bon et je ne comprends pas qu'il laisse autant de marbre.

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le 21 avr. 2013

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Krokodebil

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