Plus l'amour est nu, moins il a froid (Director's Cut)

Un nombre effarant de questionnements intérieurs me traversaient l’esprit, tandis que délicatement je sortais de son cocon de carton la version Director’s Cut de ce film démesuré qu’est Nymphomaniac. Que pouvait donc bien refermer ce film de près de 5H30 qui avait subi les affres douloureux de la censure ? A quoi pouvait bien ressembler la vision de Lars Von Trier ? Serait-ce si différent de ce rejeton bâtard qu’était la version des producteurs ? C’est ainsi que débute mon exploration des méandres de la sexualité humaine dépeints par cet artiste insolent et provocateur qu’est Lars Von Trier : par cet assaillement d’interrogations que je n’avais cessé de ressasser durant cette interminable année d’attente…


Et quel étrange sentiment que celui d’avoir envie d’applaudir à s’en faire saigner les mains un film où fellation et pénétration sont les maitres-mots… Je n’aurais jamais cru vivre un jour une telle situation. Mais qu’importe après tout, je me dois d’être honnête avec moi-même (et par conséquent avec tous ceux qui me liront). Visionner ce que beaucoup appellent moqueusement la version « porno » de Nymphomaniac était une expérience d’une intensité rare. Un moment de cinéma absolument unique, où dégout et admiration se croisent et se décroisent au détour de la caméra lyrique du grand LVT pendant près de 5h30. La première odyssée de Joe avait su me faire frémir, mais lorsque je contemple l’ampleur de cette œuvre splendide, je comprends que ce n’était qu’un coup d’essai.


Nous étions nombreux (moi le premier) à rire de cette durée extravagante qui nous semblait n’être que le résultat du narcissisme démesuré de celui qui déclara qu’il était le plus grand réalisateur du monde. Mais le fait est de constater que 5h30 sont bien peu de chose pour mettre en scène avec une telle maestria cette sublime symphonie de la sexualité humaine. Et si filmer des pénis en gros plan était la seule et unique façon pour LVT d’aboutir à ce sublime poème macabre, et bien qu’importe. Je m’en moque. Et malgré toutes les connotations que cela peut avoir, je ne vais pas dissimuler le plaisir (cinématographique) que j’ai ressenti au visionnage de ce spectacle magistral.


LVT nous propose donc encore une fois d’être les témoins privilégiés de l’histoire à la fois sublime et sordide de Joe, interprétée par une Charlotte Gainsbourg que je ne cesse de redécouvrir avec bonheur à chaque visionnage. Une magnifique symphonie qui narre avec brio les joies et affres d’une nymphomane auto-diagnostiquée. Entre bonheur, souffrance et rédemption, le récit de Joe (attentivement écouté par le « gentil » Seligman) est une nouvelle fois porteur des terribles constats de Lars Von Trier sur la nature humaine et la noirceur insidieuse et immortelle de son âme. Tu auras beau lutter, te battre, voir le bon côté des choses, la noirceur de la vie finira par t’en faire oublier la beauté. Tu ne seras plus que le pur produit d’une souffrance que tu auras toute ta vie cherché à combattre. Et à force de partir en quête d’un bonheur utopique, tu finiras par être responsable de ta propre destruction (d’où l’ironie de cette fin si souvent décriée)…


Sordide, désabusé et cruel, ce sinistre poème de LVT est un pur bonheur de cinéma. Je suis une nouvelle fois admiratif devant l’inventivité de la réalisation du Monsieur, et malgré ces quelques images insoutenables (la scène de l’avortement…) dont il raffole tellement pour une raison que je préfère ne pas imaginer, Lars Von Trier confirme une nouvelle fois à mes yeux son statut de génie du Cinéma. Ce n’est peut-être pas son chef d’œuvre, mais des films aussi splendides et jusqu’au-boutistes sont ce qui fait du Cinéma un art si passionnant à explorer.


En bref je conclurai par ces simples mots : Merci Mr. Von Trier.

Dex-et-le-cinma
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le 5 mai 2016

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