Nuages flottants est un beau film. Un film d'une tendresse, d'une douceur, d'un tragique et d'une inéluctabilité forte. Porté par la charmante beauté de Hideko Takamine, le film nous présente dès le début un destin contre lequel on ne peut pas aller, qui est fixé quoi qu'il en soit. On le sait. On le suit. Les plans sont cadrés, tous ceux qui ne sont pas dans la ville respirent un Japon encore traditionnel, propre et où, en apparence, on pourrait s'isoler. La trame est donc classique, aussi classique que la technique cinématographique, encore un peu à tâtonner sur les influences occidentales, sur les chants de Noël d'Amérique et sur les boîtes de Coca-Cola rangées quelque part, derrière l'actrice. Mais le centre de ce film, ce n'est ni plus ni moins la relation impossible entre un homme et une femme ; qui se sont aimés, qui se retrouvent, qui s'aiment, qui partent, qui meurent d'aimer, qui se regrettent alors que le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard.

Bercé par la pluie, par des décors parfois lents et dépeuplés, aussi calme que pourrait le filmer Ozu, Nuages flottants nous laisse flotter, respirer, aimer, vivre, pleurer. Mais si la lenteur certaine de ce film est en effet délicieuse, c'est assez particulier de voir un style qui a fait, en partie, la gloire d'Ozu, se porter sur une histoire tout de même plus forte et plus intense. On a l'impression que ce calme plat n'est pas le bienvenu partout, même si, spectateurs, on n'y peut rien. On est là. La musique est magnifique bien que très courte et peu variée ; par le biais de la musique, je crois que ce n'est pas tant la lenteur de film qui lui donne ces petits défauts sur lesquels on trébuche, mais sa répétition. Naruse insiste sur des éléments qui se font comprendre plus facilement qu'on ne peut le penser, en témoigne la redondance des dialogues où " on ne peut pas aller contre ". Tout cela donne aussi un film un caractère très monolithique, qui rend compréhensible la tendance à l'élever en chef-d'œuvre absolu, en chef-d'œuvre brut.

C'est un film cruel. C'est un film qui, cinquante ans avant Kechiche, saisit un peu de réel, un peu de réalisme en tout cas. C'est une part du Japon. C'est une part de vie. C'est une part de l'histoire.
Ashen
7
Écrit par

Créée

le 16 févr. 2014

Critique lue 567 fois

7 j'aime

Ashen

Écrit par

Critique lue 567 fois

7

D'autres avis sur Nuages flottants

Nuages flottants
Docteur_Jivago
10

Ukigumo

Japon : Hiver 1946, la guerre vient de se terminer. Yukiko Koda rentre dans son pays, un Japon affecté et anéanti par la défaite, après avoir passé plusieurs années en Indochine où elle a rencontré...

le 3 sept. 2014

39 j'aime

8

Nuages flottants
voiron
9

Critique de Nuages flottants par voiron

Mikio Naruse réalise Nuages flottants en 1955 il s’agit d’une adaptation d’un roman de Fumiko Hayashi qui relate les relations chaotiques d’une femme et d’un homme qui n‘arrivent pas à se...

le 28 sept. 2015

38 j'aime

10

Nuages flottants
Nody
9

Un chef-d'oeuvre (malade) du cinéma japonais

"Ukigumo" : "Nuages flottants", ou peut-être : "Nuages à la dérive". Le titre correspond parfaitement aux trajectoires évasives et indécises des deux personnages, Yukiko et Kengo, amants pendant la...

Par

le 31 déc. 2010

32 j'aime

12

Du même critique

Huis clos
Ashen
9

L'enfer, c'est nous.

" Oui, c'est Jean-Paul Sartre qui l'a dit, c'est trop vrai, l'enfer, c'est les autres, parce qu'ils sont méchants qu'ils font du mal et qu'ils devraient pas exister, Sartre c'est trop un rebelle t'as...

le 1 août 2012

53 j'aime

Journal d’une femme de chambre
Ashen
3

Journal de Léa

L'avant-première du Journal d'une femme de chambre a eu lieu au Mk2 Bibliothèque le 23 mars 2015. Benoît Jacquot et Léa Seydoux sont apparus sur scène trois minutes, puis ont disparu. Benoît Jacquot...

le 26 mars 2015

18 j'aime

2

Serena
Ashen
7

Sérénité

Serena, c'est beau. Il y a des paysages des forêts brumeuses dans les montagnes en Caroline du nord. C'est parfois très léché, l'architecture des villages et des maisons carrées aide beaucoup. Ça...

le 15 nov. 2014

18 j'aime

1