2 ans après le tendancieux Bac Nord, Cédric Jimenez revient sur grand écran avec un nouveau sujet tortueux : les attentats du 13 novembre 2015.

Seulement 7 ans après les tragiques événements qui nous ont tous marqués, c’était pour ainsi dire un bordel de défi que de proposer 2 heures d’image à ce propos. Hasard du calendrier qui plus est, Novembre débarque en salle juste après Au Revoir Paris (qui traite lui aussi des attentats, mais via un autre point de vue), et risque donc de récupérer une partie des polémiques que le premier film a pu engendrer.


Évidemment, LE sujet du film réside dans sa manière de mettre en scène ce que nous voulons plus voir, plus jamais. Comment ne pas tomber dans une bête récupération du tragique ? Où placer le hors-champ sur ce que tout le monde à déjà vu ? Et comment raconter sans diviser, mais en rassemblant ? Bref, Novembre marche clairement sur des œufs et aurait pu complètement se planter…

Eh bien, pour moi, le film s’en sort admirablement bien. L’œuvre se positionne parfaitement face à l’horreur en suggérant, à défaut de montrer. Sans prendre le spectateur pour un con, il intègre la fraîcheur certaine de ces événements dans nos mémoires et se limite à une pudeur tant bienvenue que nécessaire. Pas d’image des attentats en question, simplement les marqueurs qu’ils nous restent. Les sirènes au loin, le match de l’équipe de France, les discours graves de F. Hollande…

En laissant l’horreur hors-champ, Novembre se concentre sur la traque des terroristes (peut-être l’un des rares angles peu traité par les médias à l’époque), en mettant en scène les jours suivant le 13 novembre, depuis le cœur des institutions de sécurité françaises, et européennes. Cet angle-là est d’ailleurs plus qu’intéressant en sa capacité à nous présenter les institutions sous une nouvelle forme (à l’exact opposé de Bac Nord ou La French - déjà avec Jean Dujardin). On y découvre l’ambivalence des procédures, si importantes dans la bonne résolution d’une enquête, mais tout autant réfrénantes dès que la la communication interne s’estompe. Et elle s’estompe.

Intelligent aussi dans sa gestion du casting, le film ramène chaque personnage à une fonction, un rouage dans un immense engrenage, et on oubli bien vite que c’est Jean Dujardin ou Anaïs Demoustier (pour ne citer qu’eux) qui sont devant nous.

Alors bien sûr, le film n’est pas parfait. Malgré une première heure menée tambour battant et autant nerveuse que nous l’étions à ce moment-là, le récit s’installe ensuite dans un faux-rythme qui tranche nettement avec le reste de l’œuvre. La conclusion du récit étonne elle aussi, tant par sa mise en scène que par son déroulé. C’est pourtant là qu’on retrouve les meilleurs atouts de caméra de Jimenez avec une gestion des petits espaces intelligente et un goût immodéré pour les armes à feu (mais là, honnêtement, ça tire un peu trop).

Et puis il y a l’éternelle question. Le film serait il aussi impactant s’il s’inscrivait dans un autre contexte, une autre affaire ? Impossible à dire avec certitude, évidemment, même si je pencherais pour un non. Parce qu’il est indéniable que les scènes qui nous touchent le plus sont celles qui s’approchent au plus près du réel. Paris dans la nuit et l’horreur, la minute de silence où soudainement tout s’arrête (admirablement bien mise en scène par ailleurs), l’inquiétude manifeste des protagonistes quand ils apprennent ce qui se trame dans la capitale… Et pourtant, on ne sent pas une volonté de détournement, ou de récupération. Le film a plutôt tendance à raconter sans glorifier, évoquer la terreur sans la raviver. Bref, il reste à sa place. Il reste un film de cinéma.

Neyor
8
Écrit par

Créée

le 16 oct. 2022

Critique lue 16 fois

Neyor

Écrit par

Critique lue 16 fois

D'autres avis sur Novembre

Novembre
qbourdin
6

Les attentats à la sauce américaine

Cédric Jiménez retrouve Jean Dujardin après la French pour Novembre. Le film raconte les attentats du 13 Novembre à Paris du point de vue de la DGSI jusqu'au 18 Novembre et l'operation à Saint-Denis...

le 24 mai 2022

54 j'aime

3

Novembre
B_Jérémy
8

Aux armes, citoyens, Formez vos bataillons, Marchons, marchons !

On est évidemment préparé pour ça. Mais ceux pour qui la charge émotionnelle est trop importante peuvent se mettre sur le côté. Je ne veux pas qu'on laisse place à nos émotions personnelles. Aux...

le 22 oct. 2022

53 j'aime

26

Novembre
Moizi
2

OSS 117, le Bataclan ne répond plus

Dieu que Jimenez est un piètre réalisateur, beaucoup de bruit et de fureur pour finalement rien du tout. Avec sa volonté de toujours être dans l'action, de ne jamais se poser et donc fatalement de ne...

le 11 oct. 2022

42 j'aime

12

Du même critique

Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan
Neyor
6

On aimerait en voir plus

C’était la promesse de super-héros à la française, d’une relecture moderne d’un des plus grands chefs d’œuvres de notre littérature, et d’une dilogie ambitieuse au casting rutilant. Avec 70 millions...

le 9 avr. 2023

2 j'aime

Bonne conduite
Neyor
6

Souvent moyen, toujours drôle.

Après La folle histoire de Max et Léon et Les Vedettes, Jonathan Barré revient au cinéma en associant cette fois ci scénario et réalisation. Et il ne revient pas seul, puisqu’il porte à l’écran la...

le 16 mars 2023

2 j'aime

Une année difficile
Neyor
5

Promesse à moitié tenue.

Duo de réalisateurs au CV difficilement comparable, trio d'acteurs en vogue, des sujets aussi complexes qu'évidents… Sur le papier, Une année difficile semble être un film intelligent et sans fausses...

le 4 nov. 2023