Si vous pensiez voir un énième documentaire tentant de filmer -souvent avec maladresse- la guerre dite "syrienne", vous faîtes erreur.


Dans différents pays du Moyen-Orient tous touchés par la guerre, Rosi pose sa caméra pendant plus de trois ans...et attend. Pour filmer le moment juste dit-il, il faut d'abord connaître la dynamique d'un lieu, obtenir la confiance de ceux qu'on film. Et quelle justesse. Chacun des plans sont travaillés et prennent les aires de tableaux de maître à l'éclairage naturel et toujours judicieux. Rosi filme beaucoup de séquences pendant la nuit, sinon à l'aube et capture ainsi la beauté d'une lumière qui illumine avec douceur le calme de territoires en guerre.
Rosi fait le choix de se limiter quasi exclusivement à des plans fixes : le cadre de peintre prend alors tout son sens. La caméra ne bouge pas, ce sont donc à nos yeux de se déplacer, de chercher ce qu'il y à voir dans le tableau toujours épuré.


Une des principales critiques faîte au film est l'absence de logique narrative et le manque d'information pour "contexter" ce que l'on voit. Il faut bien avouer qu'on ne sait pas grand chose, sinon rien, de ce qu'il s'y passe. Ce mystère renforce notre envie d'observer ces plans fixes, d'une beauté admirable.
La parole est rare, le son quasiment inhibé : le spectateur se retrouve face à face avec soldats, civils, familles, exilés, tous suspendus à l'attente, l'attente d'un temps de paix qui permettrait à nouveau de vivre.
Comment ne pas être émus par le témoignage poignant d'enfants yézidis racontant, par le dessin, les horreurs vus et subis au cours de la guerre ?


Enfin, comme seul bémol, le credo d'une esthétique primant sur reste peut quelque fois se faire au détriment de la spontanéité tant certains plans semblent difficilement réalisables sans préparation préalable avec les intervenants. Rosi parlera néanmoins d'une grande connaissance des lieux et de ceux qu'ils filme pour arriver à un tel résultat.


Quoiqu'il en soit, le documentaire mérite sincèrement le détour : aussi bien pour le génie de sa sobriété que pour l'émotion véhiculée...à moins que les deux ne soient liés.

mattclt17
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le 6 oct. 2021

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