Nothing
5.8
Nothing

Film de Vincenzo Natali (2007)

Vincenzo Natali l'architecte, le fétichiste de la géométrie, le créateur d'univers absurdes aux propriétés scientifiques détaillées qui se transforment rapidement en terrain de jeu et de mort, ici une baraque perdue au milieu du grand vide, des étendues de blanc sur blanc, et pour sol, une surface plane et élastique.

Pourtant ça commence très mal, dans une sorte de Dumb & Dumber du pauvre, je ne connaissais rien du film, et la surprise est d'autant plus grande par la suite.

D'abord une bâtisse gigantesque, coincée entre deux bretelles d'autoroutes (un peu façon "les triplettes de Belleville"), et deux héros qui lui sont inextricablement liés. Deux losers patentés, malchanceux et rejetés du monde, et un début du film tout de même particulièrement lourd et un peu cheap.

Le monde entier les hait, veut les poursuivre judiciairement, et abonde devant la maison qui est en passe de se faire démolir, et soudain tout disparaît, littéralement.

Natali matérialise directement l'univers mental de nos héros, la maison est perdue au milieu d'une vaste étendue blanche. Et franchement quand on ne sait pas de quoi le film est question, ça fait un choc et c'est terriblement jouissif.

On découvre donc un nouveau terrain de jeu à la fois absurde, drôle, effrayant, et surtout crédible (notamment grâce au côté pseudo scientifique), avec une quête d'abord, où il s'agit de se déguiser en simili-cosmonaute-explorateur, de communiquer via talkie, afin d'aller explorer ces vastes étendues de rien et de résoudre ce mystère insondable et forcément dangereux.

Le film se fait alors totalement imprévisible, immersif, passionnant.
Et puis rapidement Natali donne les clés de l'univers vidéo-ludique qu'on commence à comprendre et à appréhender, les personnages sont capables de faire disparaître tout ce qu'ils n'aiment pas, et forcément c'est là où cela devient un peu lassant et redondant.

Et c'est dommage car le film effleure des questions passionnantes, notamment sur l'aliénation des personnages, l'impact sur leurs identités, eux qui peu à peu font disparaître de leurs esprits tout souvenir déplaisant, toute sensation désagréable, jusqu'à leur propre anéantissement le plus total, façon "L'herbe rouge" de Boris Vian.

Il y a quelque chose de foncièrement tragique et terrifiant dans ce film, et paradoxalement on reste tout le long dans un esprit gentiment régressif, loufedingue, cartoonesque, un univers d'adolescents geeks refoulés incapables de résoudre les conflits autrement qu'en les arbitrant via le jeu de baston Tekken, mais dont les délires finissent par épuiser, malgré leur évidente originalité, et le soupçon de génie du film.
KingRabbit
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Journal du roi lapin - Films (2013) et Temple du cinéma baroque

Créée

le 4 juin 2013

Critique lue 758 fois

10 j'aime

KingRabbit

Écrit par

Critique lue 758 fois

10

D'autres avis sur Nothing

Nothing
nostromo
4

Têtes de gommes...

C'est bien sûr le visionnage du très bon "Cube" du même Vincenzo Natali qui m' a amené à regarder ce petit film bizarre où j'espérais retrouver la créativité de ce réalisateur. Peine perdue hélas,...

le 27 juin 2016

3 j'aime

Nothing
Longshot
7

Critique de Nothing par Longshot

A mi chemin dans un trip philo actualisé ("que deviennent les héros de jeu vidéo quand on appuie sur le bouton "pause"), un délire mémoriel et visuel typique de Michel Gondry et un stress ambigu...

le 18 déc. 2012

3 j'aime

Nothing
klauskinski
5

Critique de Nothing par klauskinski

On sait depuis Cube et Cypher que Vincenzo Natali a toujours été attiré par les films-concept et le dépouillement scénaristique. Avec Nothing il pousse le principe à son paroxysme, et insuffle une...

le 2 févr. 2011

2 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

259 j'aime

26

Batman & Robin
KingRabbit
9

Pourquoi j'aime (sincèrement) "Batman et Robin"

Je vois bien ce petit jeu qui consiste à se moquer plutôt méchamment et bassement de ce film en tournant en dérision tous ses côtés un peu débiles volontaires ou non. Mais j'aime vraiment bien Batman...

le 16 juin 2013

163 j'aime

25

Battle Royale
KingRabbit
7

Souvenirs de collège

Je me souviens, il y a une douzaine d'années, quand je n'étais qu'un collégien d'1m57, de la salle de perm, à la cour, jusqu'aux couloirs étroits menant au réfectoire, se murmuraient avec insistance...

le 8 sept. 2013

119 j'aime

5