Phonétiquement, le titre du nouveau film de Rémi Bezançon prend en anglais un sens assez lugubre. Est-ce voulu ? C'est probable, car une fois le film vu, cet autre sens colle étrangement bien à l'un des personnages principaux. Quant au sens français du titre, comment l'entendre ? Comme un questionnement plus ou moins angoissé sur ce que sera le futur de chacun, à supposer qu'il en est un ?
Venons-en au pitch. Deux grands potes de lycée, qui s'étaient perdus de vue au sortir de l'adolescence, renouent fortuitement et plus ou moins difficilement, des années plus tard (dix, quinze, plus ?). Difficilement, car l'un a fait carrière, pris la suite professionnelle de papa, s'est marié, rangé, etc. et l'autre n'a changé en rien ses habitudes de lycéen djeun déconneur et refuse catégoriquement d'entrer dans le moule (du monde adulte), bref de devenir un vieux con. Pour ça, leur première retrouvaille finit en clash, puis ils se mettent d'accord pour organiser une grande teuf qui réunira tous leurs anciens potes des années-lycée et dès lors, s'emploient à convaincre ceux-ci, mecs et meufs, d'y assister et pour se faire, s'en vont sillonner la France (l'un en moto, l'autre en scooter).
C'est pour Bezançon l'occasion de faire, mine de rien, un peu de métaphysique (sur un ton de comédie), de s'interroger sur l'amitié et l'amour entre ados, la fidélité à soi-même, le passage à l'âge adulte, le destin et ce qu'il nous réserve, le vieillissement, la mort et l'éventuelle nécessité de faire entre-temps des enfants. On sent que ces questions et peurs le travaillent. Il a 44 ans et voit déjà poindre pour lui le demi-siècle. Il semble très conscient que la mort (intellectuelle mais aussi physique) peut frapper à tout instant. Tout ça est dans le film, comme, quoi qu'il en soit, l'inéluctabilité du temps qui passe. Un futur ? No future ?
Le script est construit en trompe-l'oeil. Il part comme une grosse déconnade délirante, une succession de saynètes picaresques, mais arrive le dernier quart d'heure et l'histoire se retourne comme un gant. Déstabilisé, le spectateur réalise soudain qu'on lui sert, en fait, un film grave et que scénariste et réalisateur l'ont mené par le bout du nez (au moyen d'une ficelle d'ailleurs assez usée). Mais comme ces quinze dernières minutes sont plutôt belles et émouvantes, personne ne leur en veut vraiment.
Pierre (fils de Jean) Rochefort joue le cadre sup (et même PDG) fermé sur lui-même, qui peu à peu se lâche au contact de son vieux pote retrouvé. Pio Marmaï interprète, lui, le djeun irréductible et il en fait des tonnes mais c'est le rôle, bien sûr, qui veut ça. Le couple de mecs fonctionne (le cinéma donne souvent des rôles un peu ambigus à Pio Marmaï, alors qu'il est terriblement normal, c'est bizarre).
Conclusion : ça n'est pas d'une folle originalité (ça m'a rappelé certains films américains... dont un d'Adrian Lyne), mais ça n'est pas un mauvais film et ça se regarde avec plaisir.
P.S. Une deuxième vision du film m'a confirmé que le double sens du titre est tout à fait voulu. Les retrouvailles de Yann Kerbec avec son vieux pote Thomas Chevalier s'effectuent dans le bistrot favori de leur année de terminale et Thomas y arrive avec son casque de moto sous le bras. Quand ils sortent du bistrot, la moto de Thomas est garée juste devant. Elle est noire et, sur son réservoir, est peinte en lettres blanches la mention : "No future"... sauf qu'il est presque impossible, le plan durant juste quelques secondes, d'en être pleinement conscient lors d'une première vision.