Imbriquée dans l'histoire du Suicide Club, la famille de la jeune Noriko va rapidement se heurter sur les rails du désespoir, par l'autodestruction de l'adolescente elle-même, sa sœur Yuka et, enfin, ses propres parents. Le paternel, Tetsuzo, ex-reporter, mène l'enquête depuis le village natal jusqu'à la démesurée Tokyo, où il découvrira l'inimaginable...

Élaboré comme le film noyau d'une possible trilogie, d'après le réalisateur, Requiem pour Noriko offre une pièce de théâtre, actée en cinq parties, sans interruption, dans laquelle chaque personnage mesure ses pensées, ses gestes, ses répliques afin de retourner des idées convenues.
Noriko, tout d'abord, dont la banalité de la vie et la crise de confiance la plongent dans les tréfonds de l'Internet des années 2000, à l'époque où la recette d'aubergines à la parmesane était aussi dégueulasse qu'une soirée jus de citron. Peu à peu, sa mémoire sélective découpe soigneusement tout ce qui fait état de la famille et ne laisse place qu'un pseudonyme lié à d'autres sur un même forum. Suite à une panne d'électricité, elle quitte discrètement son domicile, en route pour la capitale nipponne et laissant sa soeur virer, à son tour, dans la spirale infernale de l'Internet.
Entre deux vidéos Flash de Mario VS Sonic, Yuka, la cadette, découvre le même forum fréquenté par sa soeur (désormais connue sous le nom de Mitsuko), puis échappe aussi à la surveillance parentale pour partir à la recherche de la vedette du forum, Gare Ueno 54.
La figure de l'autorité vacille. Soumis au point de non-retour, causé par le suicide de sa femme, Tetsuzo quitte son emploi de journaliste local pour se consacrer corps et âme à la recherche de ses enfants. Si, au départ, la méthode était appliquée comme un cas d'école, la disparition de sa moitié oppose un conflit intérieur entre ses différentes entités ("Êtes-vous en accord avec vous-même ?"), la panique cloisonne sa raison, la maîtrise de soi implose. La lâcheté n'est plus suffisamment crédible.

L'exercice de Sono Sion provoque autant d'émotions et d'interrogations que Suicide Club, avec plus ou moins d'efficacité. Les personnages-clés ne laissent pas indifférent, la durée du film aidant (deux heures trois-quarts), par les chemins entrepris, leur attitude et leur propre influence vis-à-vis de la société japonaise. Le sacro-saint tableau de la famille vole en éclats, les traditions finissent vaporisées comme un banal message modéré sur Internet, la confiance en soi se voit pulvérisée.
Le message passe toujours, cependant le contenu manque le coche par une mise en œuvre superficielle : la symbolique du cercle (le titre original de Suicide Club se nomme Suicide Circle), un visuel assez pauvre, une gestion vomitive de la caméra. Les hallucinations des protagonistes, notamment le rêve du père, lorsque celui-ci se retrouve comme perdu au milieu du désert, ne percutent aucunement. Cette même symbolique alourdit considérablement les dialogues, faisant état d'un énorme bavardage (les monologues incessants, digne de l'adaptation de Dune par David Lynch) plutôt qu'une véritable réflexion sur la société du nouveau millénaire, un élément dont le réalisateur est parvenu à effectuer convenablement dans Suicide Club. Cependant, quelques scènes remettent le script à la hauteur : le meurtre de l'hôtel, l'ultime rencontre du père et de ses filles et l'élaboration du concept de "famille à louer".

Par un ensemble visiblement trop retravaillé, le film sonne creux. Les coups de poing distribués par le scénario n'atteignent pas la cible et n'effleurent que très légèrement la joue du spectateur. Un excès de zèle qui ne favorise en rien l'intérêt de comprendre et apprécier cette histoire parallèle à Suicide Club.
Slade
4
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le 2 févr. 2012

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