JFK était un film qui frisait l’excellence mais il avait un sacré avantage : il n’y avait pas Kennedy. Là, le défi est plus compliqué : il s’agit de présenter le mandat d’un président et de l’interpréter aussi bien en public qu’en privé (d’où l’imagination de certaines scènes).


Chef suprême de l’exécutif, Nixon est impuissant. Quelques années après JFK, ce film renouvelle une critique du ‘système’ avec une Amérique en proie à la toute-puissance des lobbys, de l’establishment (il compare même l’appareil gouvernemental à une beast, une « bête sauvage »), de l’opinion publique, de la presse et de l’argent.


Là où on aurait pu penser que Stone, engagé à gauche, profite des 3h du film pour incendier Nixon, il opte pour une approche différente. Certes, il le tient responsable pour les maux des années 1970. Mais, il le fait non sans compassion pour un homme qui semblait avoir des convictions, un idéal politique – il rêve d’unir le pays après le Vietnam à la manière d’un Lincoln après la Guerre de Sécession– mais qui était dépassé par les évènements et par l’establishment. Les discussions entre Nixon et ses conseillers, notamment Kissinger, présentent un homme qui ne sait pas dire non et qui est facilement manipulable.


Un jour, Harry Truman a dit « Si Nixon veut s’en tenir à la vérité, il aurait très peu de choses à dire ». Si Stone est compatissant envers Nixon, c’est que le réalisateur est souvent critiqué de la sorte : on l’accuse de mentir, notamment lors de la sortie de JFK, où la plupart des grands journaux américains ont attaqué le travail de Stone. Tous les deux sont, à leur manières, des ennemis publics numéros 1, et, c’est en quoi ce film est très personnel.


Stone suggère que l’éducation de Nixon a eu un effet dévastateur sur sa psychologie. Premièrement, ses parents ont idéalisé l’avenir de leur fils, après la mort de ses frères (1), de sorte qu’on a l’impression qu’il s’acharne, grimpe les échelons non pour lui-même mais pour vivre au service de ses parents, par procuration, sans savoir s’il en a le courage et l’envie. Deuxièmement, sa mère qu’il appelle « sainte » obsède son esprit. Au moment de publier certaines bandes, il s’enrage quand il essaie de maquiller les injures qu’il a prononcé en se rendant compte qu’elles couvrent toutes les pages des transcipts. Ce que sa mère pourrait alors penser torture son esprit : c’est une « sainte », elle ne peut penser, et par extension, le monde ne peut pas penser qu’il a été mal éduqué.


Moins rythmé et moins polémique que JFK, Nixon reste intéressant par la posture que prend Stone, avec son étonnante sympathie pour le personnage de Nixon tout en critiquant son œuvre politique. Comme JFK, ce film n’est certainement pas objectif (Stone le dédie même à son père qui par ses convictions ressemblaient à Nixon), et ce qui importe et non pas l’exactitude historique (pour cela, mieux vaut lire son biographe, qui sera foncièrement subjectif) mais le point de vue intéressant que le réalisateur développe face à ce personnage historique.
Une œuvre intéressante.


(1) Comme dans Walk The Line (biopic de Johnny Cash), toute la vie d’un homme est structuré à partir d'un événement traumatique.

OG_LOC
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le 30 juin 2015

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