Nadja
6.3
Nadja

Film de Michael Almereyda (1994)

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au cinquième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Ça y est, ça a commencé. J'avais convoqués mes loups à 21h tapantes à la Cinémathèque, pour le premier film que nous y visionnerons ensemble. Certains de mes élèves les plus assidus étaient allés aux séances de la veille et m'avait prévenue, mais tout de même, je ne m'attendais pas à une telle affluence pour ce film inconnu, jamais sorti en France. Et pourtant, la salle est comble. Nous nous sommes emparés des dernières places et nous sommes dispersés pour occuper les quelques sièges vides qui parsemaient encore la salle.
Je n'étais pas informée que l'interprète du rôle éponyme introduirait le film en personne, pas informée non plus de son incroyable charisme. Tandis qu'elle nous amusait d'anecdotes de sa vie personnelle qui figuraient dans le film, je me disais que certainement des faits moins anecdotiques de sa réalité s'y cachaient également. Tout en étant suspendue à ses lèvres, je n'ai pu m'empêcher de faire un tour d'horizon de mes recrues disséminées dans la salle pour m'assurer que personne ne tombait sous le charme de cette vamp. Moi-même devait faire un effort pour résister à son envoûtement. Je me demande combien de ses collègues emplissent cette salle et s'ils ont prévu de se nourrir après la séance des pauvres cinéphiles humains qu'elle ensorcelle en ce moment.
La copie du film avait également ce charme doux que seule la Cinémathèque sait donner aux bobines en mauvais état : sous-titrée en espagnol, salie de larges tâches brunes, la volonté du réalisateur de filmer certaines parties de son film avec un jouet en deviendrait presque risible, tant l'age aura donné naturellement et bien plus joliment les artefacts que le metteur en scène a cherché à produire. Mais hormis cette tentative technique un peu trop flagrante à mon goût, le film est une réussite. Le casting est formidable, de ce caméo amusant de David Lynch en gardien désabusé, à ce rôle-titre qui a donc déjà planté ses griffes dans les cœurs des spectateurs présents en ouverture de séance, et qui nous révèle dans ce métrage d'il y a 25 ans une jeunesse impeccablement sublime. Le scénario a cette manière énigmatique de se poser doucement sur le film quand celui-ci s'endort puis de s'envoler et de s'effacer face à une contemplation bienheureuse et hypnotique. Ajoutée à ces lumières de nuit ne manquant pourtant pas d’inonder de lumière et d'artefacts optiques l'objectif de la caméra, je me dis que certainement ce film a du être une inspiration pour mon bien aimé *Only Lovers Left Alive*. Partant de là, il m'est interdit de déprécier le film, mais je n'y songe pas. C'est doux, beau, drôle, sensuel et cruel tout à la fois. Et si je suis certaine que j'aurais oublié le sens de l'histoire dans quelques jours, l'ambiance glaçante et envoûtante, elle, restera longtemps fichée dans mes entrailles. Et comme j'ai presque fait du relevé des références ma signature, je ne peux m'empêcher de relever l’excentricité d'avoir baptisé la mygale Bela. D'une part, c'est suffisamment anecdotique pour ne pas gêner les ignorants tout en gratifiants les connaisseurs. D'autre part, c'est aussi l'occasion de se moquer gentiment de l'un des premiers visages du papa de l'éponyme, de signaler que oui, on sait tous les codes qu'on est sensés respecter, et que non, on a pas eu envie de se priver de la liberté de parfois s'en affranchir. C'est une référence qui sert de passe-droit et c'est formidable.
C'était une belle soirée. Tout d'abord de constater que la Cinémathèque n'a pas l'air de vouloir s’engouffrer dans un couloir de mépris, attitude que je lui reproche bien souvent. Mais en ouvrant sa rétrospective vampirique par cette perle méconnue (et avant cela avec la référence qu'est le *Nosferatu* de Murnau), la Cinémathèque semble vouloir affirmer le film de vampire avant tout comme un film, au sens le plus noble que cette institution sait lui donner, et non comme un rebut de série Z pour ex-adolescents boutonneux. C'est bien. Bien aussi, car désormais moi et mes loups avons quelques visages à mettre sur le vampirisme parisien. Ils sont chez eux dans cette rétrospective. Un peu trop, et certains ont tendance à s'y passer de la méfiance dont ils s'enveloppent généralement en toute occasion. C'est une aubaine pour nous, mais je rappelle mes troupes : pour garder l'avantage, nous ne devons pas montrer la même bêtise qu'eux. Restons discrets, passons pour de simples passionnés à l'humanité banale, et ne cherchons pas la bagarre ici. J'ai même chargé les meilleurs acteurs de ma troupe d'essayer de lier connaissance avec leur voisin de fauteuil la prochaine fois. C'est à double but : premièrement, si nous pouvons amasser des informations des deux cotés de l'écran en toute discrétion, nous serons doublement gagnants. Deuxièmement, et c'est un but que je n'ai pas énoncé bien qu'il était le principal motif de ma requête, j'espère par cette incitation à la discussion faire comprendre à mes loups que les vampires sont des êtres comme nous doués de sentiments et de sympathie. Si j'arrivais par cet exercice artificiel à faire naître de réelles amitiés inter-espèce, peut-être pourrons nous renverser la balance et éviter cette guerre fratricide.
Zalya
7
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le 13 oct. 2019

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