Voici les premiers mots que le Diable pourrait employer avant de prendre sous son emprise. « N’aie pas peur », des mots dits à une fillette de 7 ans par son père, démon auquel on ne peut échapper, et encore moins lorsque votre mère vous fustige lorsqu’enfant vous essayez de lui dire ce qu’il se passe. Aucune confiance, aucun appui, le personnage de Silvia évolue de l’enfance à l’âge adulte devant nos yeux, pour ainsi dire terrorisés par une mise en scène d’une crédibilité effrayante, signée par Montxo Armendáriz. Le réalisateur a écrit et réalisé sa bobine, sans avoir été victime de tels abus, mais a en revanche plongé dans les enfers en suivant pendant un an des personnes ayant connu cette horreur et s’en étant sorties, plus ou moins, envers et contre tout, et il est évident que Armendáriz leur livre ici un hommage, portant au firmament une tranche de la population vivant dans le silence et très souvent, la honte. Le réalisateur choisit tout un tas de points qui rendent sa bobine particulièrement étonnante tout en inspirant le dégout. Il n’y a pour ainsi dire rien de visuel, tout se passe au travers de portes fermées ou hors-champs, un choix judicieux puisque c’est évidemment la même chose dans le monde réel, et a fortiori le métrage est étudiée comme un produit psychologique, voire un outil social, et non comme un essai malsain comme pouvait l’être un plateau de Jean-Luc Delarue.

Autre point qui ne semble pas tout de suite évident mais se fait comprendre au fur et à mesure, c’est la présence du syndrome de Stockholm, très clairement affiché lorsque Silvia s’écrit « comment puis-je autant aimer et détester la même personne ? ». Oh oui ce père a été aimant et a gâté son enfant toute sa vie, mais il a été aussi celui qui lui a volé son innocence, son enfance, sa vie, et qui ne semble pas sourciller quant à la culpabilité qu’il pourrait avoir, presque étonné de voir sa fille lui tourner ainsi le dos. Lluís Homar est d’ailleurs étonnant dans son interprétation, totalement en opposition avec celui de personnage bienveillant qu’il tenait dans Eva, en face d’une Michelle Jenner éblouissante dans son rôle, dont le look changeant et le jeu parfaitement maîtrisé viennent illustrer au mieux cette perte d’équilibre (elle n’a d’ailleurs pas volé ses multiples prix de meilleure actrice).
N’aie pas peur n’est peut-être pas parfait, mais il a un rôle social indéniable, ouvrant des portes trop souvent fermées, même devant les proches qui n’oseraient même pas penser que Lucifer s’est installé chez eux. N’aie pas peur est aussi un film très dur, car bien qu’il n’y ait rien de visuel, l’immersion est menée à ce point avec talent que l’on en ressort pas indemne, et force le respect, en plus de la réflexion. Sans doute l’une des meilleures bobines sorties sur notre territoire cette année.
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le 8 oct. 2012

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