Exorcisme entre amies

Malgré leurs différences, Abby et Gretchen sont de vraies meilleures amies que rien ne peut séparer.

Un jour, accompagnées de deux camarades du lycée, elles partent passer un week-end dans un chalet au bord d'un lac. Goûtant aux "joies" de l'acide en pleine nuit, Gretchen et Abby ont le malheur d'aller visiter une maison à la sinistre réputation non loin de là. Alors qu'elles sont témoins d'étranges visions, Abby prend la fuite, paniquée, laissant Gretchen seule qui s'y fait mystérieusement agresser.

Durant les jours qui suivent l'incident, Gretchen adopte un comportement de plus en plus irrationnel, prisonnière d'une douleur sur laquelle son entourage choisit de fermer les yeux malgré sa détresse manifeste... Sauf bien sûr Abby, toujours prête à comprendre et à tenter l'impossible pour sauver sa BFF.

Oubliez un instant le titre "My Best Friend's Exorcism", révélateur sur la nature démoniaque du mal qui ronge Gretchen et amusez-vous à relire le pitch du film d'un point de vue strictement rationnel: l'analogie avec une agression sexuelle et ses conséquences post-traumatiques sur la vie d'une lycéenne apparaît bien sûr plus qu'évidente.

Même si ce long-métrage de David Thomas n'est évidemment pas le premier à l'utiliser en ce sens, cette symbolique donnée à la possession d'une jeune fille par un démon est plutôt maligne, faisant des affres progressifs de ce phénomène la traduction de son stress post-traumatique et des agissements parfois erratiques qui lui sont assimilés. "My Best Friend's Exorcism" fait de ce discours le coeur de son récit et pousse même assez loin certaines ramifications de ce parallèle possession/viol passé sous silence, à la fois en condamnant l'Amérique conservatrice des 80's qui préfère ignorer les appels à l'aide de Gretchen (ou ceux d'Abby sur son amie) derrière ses œillères puritaines et en laissant le mal-être de sa victime déborder de façon assez vicieuse sur ses camarades avec l'évocation d'autres problèmes rencontrés à cet âge (le sort d'une lycéenne obsédée par son poids débouchera d'ailleurs sur la plus folle et originale séquence de l'ensemble).

En soi, la démarche poursuive par le film et ce qu'il entend en faire ressortir par ce biais horrifique sont donc plutôt louables et bien pensés... Mais, bon sang, ne pouvait-on pas le déduire tout seul en tant que spectateur au lieu qu'on nous l'assène sans arrêt à voix haute par l'intermédiaire des protagonistes ou par l'insistance de certaines situations ? "My Best Friend's Exorcism" passe tellement de temps à surligner son double sens (même quelqu'un avec le Q.I. d'une moule cuite pourrait le saisir à ce stade) qu'il en oublie finalement presque de proposer autre chose d'intéressant pour l'accompagner.

Car, ce qui est censé être une comédie horrifique n'est en fait convaincant sur aucun des deux versants que sa dénomination laisse présager (d'ailleurs, était-ce vraiment une si bonne idée d'aborder un tel propos avec un ton se voulant léger ?).

En termes de fantastique, le cas de possession du film ne repose que sur des banalités du genre (une ou deux apparitions "animalières" corollaires amusantes à sauver), comme un maigre écrin juste pensé pour accueillir le discours, et le côté comique n'est pas mieux loti, se résumant à un humour assez paresseux où les actions absurdes/cruelles de Gretchen peuvent éventuellement arracher un sourire ou deux (mieux ne vaut pas aborder le cas navrant du professeur de fitness fondu de religion interprété par Chris Lowell).

Seule peut-être la lecture du film à travers le regard d'Abby, rongée par la culpabilité d'avoir trahi sa BFF et obsédée à l'idée de retrouver leur relation d'antan, apporte quelque moments un peu plus touchants (l'exorcisme "personnalisé", une belle idée) mais ils sont surtout à mettre au crédit des jeunes actrices, investies avec assez sensibilité pour nous faire ressentir les conséquences les plus émotionnelles de cette amitié chahutée.

Bref, si on était prêt à nouer une belle amitié avec ce "My Best Friend's Exorcism" grâce à ce qu'il avait à nous dire, le film nous a enfermé dans une espèce de relation toxique, nous hurlant en permanence au visage le caractère malin de son postulat sans pour autant le prouver sur la majorité de ses autres aspects. Certes, le moment passé en sa compagnie n'était pas si terrible (il y a tellement pire) mais il laissera probablement un souvenir qui équivaut à celui d'une vague connaissance sur laquelle on a du mal à remettre un nom.