Mute
5.2
Mute

Film VOD (vidéo à la demande) de Duncan Jones (2018)

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Les regards se sont très vite posés sur Duncan Jones, lui qui est le fils de David Bowie, et ce, dès la sortie de son premier film en 2009, l'excellent Moon. Il y avait quelque chose d'à part dans ce premier essai qui devenait la promesse d'un cinéma singulier et accrocheur. Une promesse qui ne fut jamais vraiment concrétisé alors que le jeune cinéaste perdait film après film le soutient des critiques et du public, surtout après son Warcraft qui n'a clairement pas fait l'unanimité. Avec Mute, Jones essaye de retourner aux prémisses de son style et d'imposer définitivement une vision de cinéaste avec une œuvre qu'il cite lui-même comme étant la suite spirituelle de son premier né. Se déroulant dans le même univers, Mute construit quelques passerelles avec Moon mais qui sont plus là pour être de petits clins d’œil, et apporter un éclairage plus vaste au film, que d'avoir un vrai intérêt pour son histoire.


Une histoire qui manque cruellement de substance et s'enfonce bien trop souvent dans les longueurs au cours de l'errance  peu palpitante de son protagoniste. Le film sera trop souvent à l'image de son héros, superficiel, à côté de ses pompes et qui n'a pas grand chose à dire. Avec la caractérisation maladroite des personnages, où le personnage principal souffre d'être muet et de son appartenance Amish pour la seule justification de ralentir le récit plus qu'à apporter un sens à l'intrigue, et des développements hasardeux dans son dernier tiers, Mute n'évite jamais les erreurs. Il ne possède pas la profondeur qu'il aimerait si souvent s'insuffler et tombe dans des clichés relativement dépassés quand à sa manière de dépeindre un futur dépravé. Certaines choses arrivent cependant à fonctionner, comme la manière assez fine de construire le mystère autour de la disparition de la petite-amie du héros. Un mystère qui trouve une résolution pas aussi prévisible que le reste. On notera encore la relation très intéressante qui unit les deux chirurgiens que l'on suit en parallèle du personnage principal, deux personnages qui possèdent un récit bien plus maîtrisé et captivant  grâce aussi aux très bonnes performances d'un Justin Theroux méconnaissable mais surtout d'un Paul Rudd habité qui excelle. Ils volent la vedette à Alexander Skarsgård qui confond trop souvent le fait d'être muet avec le fait d'avoir un handicap mental dans une prestation qui sonne fréquemment fausse.


La réalisation technique connait aussi quelques maladresses notamment avec des effets spéciaux d'un autre temps et des fonds verts bien trop visibles qui peinent à rendre l'univers visuel du film crédible. C'est d'autant plus regrettable que cela amoindrit des idées de mise en scène plutôt bien senties qui donnent un côté halluciné eu récit. Duncan Jones jouant avec les focales pour donner un air disproportionné à son héros qui devient une forme géante qui se balade dans un monde où il n'a pas sa place, une force de la nature muette mais inébranlable. Son handicap est d'ailleurs jusqu'au bout traité comme tel, où dans ce monde futuriste où quasiment tout passe par la voix celui-ci se trouve incapable d'évoluer dans son environnement. Son errance en devient onirique et Jones arrive à travailler une atmosphère vite envoûtante aidé par le score musical planant et inspiré de Clint Mansell. De jolies fulgurances qui viennent souvent faire la différence et qui rendent le visionnage pour le moins agréable malgré ces défauts persistants.


Mute est clairement la preuve que le cinéma de Duncan Jones s'essouffle petit à petit car il signe ici son film le moins réussi. Même s'il arrive à être globalement convenable, spécialement grâce à de vraies fulgurances de mise en scène et d'écriture et par la biais d' un casting relativement bon, à l'exception d'Alexander Skarsgård plus bancal dans sa performance. Le vrai problème de ce Mute, c'est l'envie de son cinéaste de vouloir surfer sur un succès passé sans pour autant avoir une véritable histoire à raconter autour. Reste donc un récit sympathique mais vain qui tourne en rond plutôt qu'aller de l'avant. Avec cette nouvelle production, Netflix commence un peu à s'imposer comme une plateforme qui peine à asseoir ses propositions de cinéma où, en dehors de trop rares pépites, propose surtout des films calibrés ou des œuvres mineures de cinéastes fatigués.


Ma critique sur cineseries-mag.fr

Créée

le 2 mars 2018

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Flaw 70

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