Voici un film bien singulier, se distinguant étrangement par sa simplicité. Après Take Shelter qui m’avait moyennement convaincue, Nichols réalise un film qui va droit au but. Et quel but ! Parler d’Amour with a capitol A !
Dès les premières minutes, le film nous invite dans son royaume, celui des rives du Mississippi, dans un coin paumé des Etats-Unis. Là-bas, les maisons flottent sur l’eau boueuse et les bateaux poussent dans les arbres. On y rencontre Ellis, petite bouille de 14 ans, qui s’inscrira longtemps dans nos mirettes. Ce jeune personnage est sans doute l’un des meilleurs écrits de ses dernières années. Ni idiot, ni buté, ni trop adulte, ni trop gamin, c’est un enfant comme on aimerait en croiser plus souvent, marqué par l’empreinte de la naïveté de la jeunesse mais bouleversé par le chaos de la réalité. Son état de grâce, il ne l’atteindra qu’au bout de plus d’une heure et demie de film, mais qu’importe, le chemin pour y arriver ressemble à une balade en bateau, avec le vent qui vous caresse le visage et parfois quelques embruns salés qui vous fouettent les joues.

Ellis est ce qu’on appelle un romantique, voire romanesque, ce qui est assez étrange pour un môme. Il croit en l’amour comme d’autres peuvent croire au Père Noël. Il est le premier à défendre l’honneur bafoué d’une demoiselle en détresse ou à vouloir réconcilier deux cœurs à la dérive. Cela fait de lui un tendre naïf mais aussi un garçon vulnérable. Avec son pote Neck, il rencontre par harsard Mud, un vagabond au premier abord, qui se planque sur une île avec un flingue et des conserves de haricots rouges. On comprend tous que ce mec est pas net, qu’il a sans doute fait une grosse bêtise et qu’il est en fuite, mais bon sang c’est Matthew McConaughey en mode doux-dingue, frisettes au vent et rêve en bandoulière ! On ne peut que suivre sans se poser de question !

De cette amitié hors-norme, Nichols esquisse un parallèle entre la découverte de l’amour par Ellis (et surtout ses revers) et la lente désillusion que Mud commence à ressentir envers ce sentiment fuyant, déstabilisant, cruel mais merveilleux. Mud en sait sans doute beaucoup sur les affres de l’amour mais ne veut se l’admettre et baisser les armes, tandis qu’Ellis comprend brutalement la supercherie. Les deux êtres vont s’accorder cependant sur un point : l’amour c’est une sacrée vacherie mais c’est lui qui fait tourner le monde, c’est lui qui fait prendre des risques, qui fait vivre au-delà de ce que l’on peut espérer. Même si pour parvenir à le comprendre, on doit traverser un nid de serpents ou contempler à travers ses larmes le rictus moqueur d’une pétasse de 17 ans (quelle scène !).

Mud est donc un film séduisant, beau comme un fleuve boueux qui serpente entre la mangrove. On croit être bien installé dans le courant et que plus rien pourra nous surprendre et soudain, au détour d’un virage, on repère au loin une petite île et une vague vient faire tanguer l’embarcation. Finalement, tout n’est pas si tranquille mais on se sent bien, on plisse les yeux face au soleil couchant et on savoure le voyage.

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le 23 mai 2013

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Before-Sunrise

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