Mr. Six
6.3
Mr. Six

Film de Guǎn Hǔ (2015)

Le réalisateur chinois Guan Hu a fait grand bruit en 2020 avec son film de guerre The Eight Hundred qui a littéralement fait exploser le box-office chinois alors en pleine crise de Covid. Le film a même eu droit à sa sortie chez nous sous le titre La Brigade des 800. Mais cinq ans auparavant, il rencontrait déjà le succès en Chine avec Mr. Six, son 8ème film, rapportant pas moins de 139M$US, et raflant pour le coup bon nombre de récompenses dans divers festivals. Mais attention où vous mettez les pieds car, avec ses différents trailers et son synopsis, tout porte à croire que Mr. Six est un film avec de l’action, de la violence, et des règlements de comptes entre gangs. Ce qu’il n’est pas du tout puisque nous sommes ici dans un vrai drame qui va nous parler d’amitié, d’honneur, de respect, de regard sur la société, de relations familiales compliquées en l’absence d’un père, et surtout de vieillesse. Un très beau film, souffrant néanmoins de quelques longueurs.


Mr. Six est un ancien chef de gang aujourd’hui retiré du milieu après avoir passé quelques années en Prison. Malgré les années qui ont passé, les gens le respectent toujours dans son quartier car c’est un homme plein de valeurs. Il est de la vieille école, avec des principes, il tient à ce que les choses soient justes et équitables. Mais à cause de son fils, il va se retrouver confronté aux petits voyous d’aujourd’hui qui n’ont plus rien à voir avec ceux d’autrefois : des fils de riche qui n’ont plus aucune valeur, plus aucune limite, plus aucun respect pour rien, et qui ne jurent que par l’argent et l’apparence. Ce trop-plein de principes va mettre Mr Six dans une situation qu’il ne contrôle plus mais également l’empêcher de chercher une alternative autre que celle qu’il s’est fixée. Quand un petit problème au départ devient quelque chose de beaucoup plus gros et incontrôlable, c’est ce que Guan Hu va nous raconter via son personnage vieillissant de Mr. Six dans un film qui a parfois un côté wu xia pian moderne, à la manière d’un What Price Survival (1994) de Daniel Lee, mais en détournant le genre pour en faire un drame. Le film est construit comme la longue montée en puissance d’un affrontement épique inévitable sur un lac gelé, affrontement qu’on ne verra jamais. Guan Hu aurait facilement pu faire un film d’action, centré sur les batailles avec les voyous de l’ancienne génération et ceux de la nouvelle. Cependant, il décide d’orienter le film vers le personnage de Mr. Six en se concentrant sur le réalisme à travers deux axes : sa relation avec son fils qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, et la prise de conscience que le monde a considérablement changé en dehors de son petit quartier et de ses connaissances. La violence physique et le sang n’ont ici que peu de place, et chaque fois qu’ils interviennent, ils ne sont jamais (visuellement) montrés.


Certaines scènes sont très marquantes, à l’instar de cette réconciliation entre un père coincé dans ses anciennes valeurs et un fils en colère contre lui pour l’avoir abandonné ; ou encore cette scène finale d’une extrême puissance émotionnelle alors que tout est hors champ. Guan Hu préfère s’attarder de manière incisive sur son personnage central, lorsqu’il est tourné en dérision, lorsque sa dignité est blessée, lorsque ses convictions sont remises en question à cause d’une bande de petites frappes fils de riches. Du coup, il est vrai que Mr. Six (le film) est un peu à l’image de son personnage, plein de nonchalance, languissant, avec son rythme lent et posé qui pourra en dérouter certains, bien que l’ennui ne s’installe jamais. La mise en scène très soignée et la bande son fabuleuse sont au service de ce personnage central, Mr. Six, interprété de manière sublime par Feng Xiaogang (The Founding of a Republic, Father) qui a d’ailleurs remporté en 2015 le prix du Meilleur Acteur lors de la 52ème Édition des Golden Horse Awards pour cette performance. Il est d’une justesse incroyable dans ce rôle de vieux gangster rangé, au final plein de contradictions entre son discours et ses actes. Il est dur avec son fils mais l’aime profondément. Il ne semble avoir peur de rien face à des ennemis de toutes sortes mais il a peur des hôpitaux. Feng Xiaogang parvient à dépeindre toutes ces caractéristiques de manière impressionnante au point que son personnage en devient presque hypnotisant. Sans doute l’atout majeur du film pour un résultat mettant Guan Hu sur la liste des réalisateurs chinois les plus prometteurs et solides du moment.


Bien qu’il aurait mérité d’être un peu moins long que ses 2h16 au compteur, Mr. Six est une jolie réussite, centrée sur un personnage remarquablement écrit, interprété par un acteur qui apporte une présence marquante et complexe à ce rôle.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
7
Écrit par

Créée

le 4 oct. 2021

Critique lue 244 fois

cherycok

Écrit par

Critique lue 244 fois

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1